Crazy Six
Crazy Six

Film de Albert Pyun (1997)

Albert Pyun est un cinéaste boulimique, pour ne pas dire stakhanoviste, en l’espace de deux décennies il a tourné plus d’une trentaine de films destinés au marché de la vidéo. Le réalisateur est d’ailleurs connu pour son savoir faire éclair, si bien qu’il n’a besoin que de quelques jours pour arriver au bout de ses productions qui garnissent désormais les bacs de DVD à un euros l’unité des Cash express. Il faut dire aussi qu’elles brillent rarement par leurs qualités ou leur originalité hormis quelques rares coups d’éclats comme Nemesis ou bien Dollman. À sa décharge, il est vrai qu’il n’en a pas toujours eu le contrôle total ou le final cut, tout comme il a souvent dût palier à l’étroitesse de ses budgets ou à l’indisponibilité de ses acteurs ce qui l’a amené à ruser tout au long de sa filmographie. Crazy Six est un peu la quintessence de ce système D qui abuse de l’art du montage qui vient au secours de sa mise en scène et de son histoire. On sait que le cinéste à une prédisposition pour les films post-apocalyptique et on retrouve un peu de cet esprit de fin du monde ici, ou du moins de toute civilisation, d’où le choix de ne pas définir clairement le cadre où se déroule l’action (Crimeland) pour en faire un simili Sin City, même si on devine que celui-ci a été tourné encore une fois au coeur de Bratislava, nouvel eldorado de l’époque grâce aux avantages fiscaux et faible coûts d’exploitation. L’intrigue n’est en revanche pas très intéressante et tourne un peu à vide comme le reste du long-métrage qui se laisse voir néanmoins grâce à ses plans esthétisés baignés de projecteurs de lumière parfois de manière trop excessif. S’en dégage une atmosphère onirique, nimbé d’une musique mélancolique, plus indolente que véritablement envoûtante à dire vrai d’autant qu’à l’inverse d’un Refn qui l’utilise pour transmettre les émotions et états d’âme de ses protagonistes, Pyun ne le fait que pour mieux mettre en valeur Ivana Milicevic sur qui il pointe sa caméra comme s’il en était fou amoureux, toute l’oeuvre semble d’ailleurs tourné autour d’elle et de ses chansons qui ne sont d’ailleurs pas les siennes, puisqu’elle est doublée par une artiste chanteuse.


Les personnages y sont souvent mutique et se retrouvent cloisonner dans une partie de décor, se faisant rarement face. Le réalisateur abuse d’ailleurs de champ-contrechamps pour pallier à leurs absences. Il faut dire que le budget a sûrement été englouti dans leurs salaires, alors que certains n’étaient présent à peine que quelques heures. Il s’agit évidemment de has-been sur le retour comme Burt Reynolds qui campe le rôle d’un vieux shérif au fin fond d’une ville fictive d’Europe de l’est ce qui paraît totalement anachronique quant on y repense. On voit bien qu’il n’est venu que pour toucher son chèque et faire de la figuration. Rob Lowe quant à lui semble complètement au bout du rouleau dans le rôle de ce junkie qui semble voir sa vie défiler devant ses yeux au ralenti. Comme lui, on a parfois l’impression de vivre un bad trip sensoriel avec une seringue planté dans le bras, à demi comateux et endolori. D’une certaine manière c’est un peu sous son regard que se déroule toute l’action puisque le film porte le nom de son personnage qui n’a pourtant rien de très fou ou d’imprévisible. Crazy Six pêche surtout à cause de son montage elliptique et de ses nombreux moments de suspension qui semble tirés vers l’infini. Si la photographie de George Mooradian séduit parfois, cela ne suffit pas à élever l’intérêt de ce polar mou du genou qui ressemble plus à un clip de musique d’une heure et demi qu’à un règlement de compte entre truands, et ce n’est pas les fusillades qui viendront relever le niveau vu leur fadeur et leur découpage à la truelle, ce qui ferai passer du Godfrey Ho à côté pour du John Woo. Ice-T qui a souvent tendance à cabotiner fait cette fois preuve de retenue et livre l’une de ses meilleures partitions, probablement aussi parce qu’on ne le voit pas souvent à l’écran. Enfin on retrouve Mario Van Peebles qui se la joue parrain de la mafia avec son chihuahua et psalmodie quelques mots de français pour se donner des airs classieux un peu comme le reste du long-métrage d’ailleurs qui à l’image de son club fréquenté par des gangsters n’a en réalité rien de très distingué et ne fait que refléter l’austérité des rues de la ville envahie de clodos et dealers qui tentent de vous refiler un fixe. C’est un peu comme ci Albert Pyun avait essayé de se faire passer pour ce qu’il n’est pas. Nicolas Rioult qui introduit le film parle de son diamant noir et chef d’oeuvre qu’il daigne comparer à Streets Of Fire (influence notable de Pyun), décrivant ces séquences de bribes de grand cinéma, pourtant il n'y a vraiment pas de quoi s’extasier dessus comparé à Nemesis qui savait allier le travail de la photographie à des scènes d’actions réellement spectaculaire et bien chorégraphiés. Reste une proposition intéressante mais insuffisante en l’état qui parvient néanmoins à contourner ses nombreuses contraintes pour en faire le propos du film, ou du moins celui qu'un journaliste a bien voulu lui attribuer.


Si t'as atterri ici, c'est que toi aussi t'es un vrai dur à cuire qui aime les films de bonhommes. Alors si t’en a marre des féministes et des sitcoms romantiques de ménagères, rends-toi sur l’Écran Barge où tu ne trouveras que des vrais mecs qui portent leur baloches et règlent leurs comptes à l'ancienne en flinguant des hélicoptère avec des bagnoles. De la testostérone, de l'action, des fusillades, et des explosions ! !! !! AVEC DES PATATES PUTAIN !

Le-Roy-du-Bis
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le 5 févr. 2024

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