Pour vous parler de The Creation of the Gods, vous serez sans doute abreuvés de pseudo avis qui convoqueront de manière paresseuse la comparaison avec les blockbusters américains modernes (aussi connues sous le qualificatif condescendant et dédaigneux de « marvelleries ») tunés en mode contrefaçon pillant jusque dans les CGI bien sûr dégueulasses. Parce qu'un blockbuster américain moderne, c'est forcément mal foutu et rempli de CGI mal faits quand on veut se présenter comme fin cinéphile.
Ne serait-il pas un petit peu plus pertinent de relever une curieuse coïncidence dans l'agenda des sorties et dans cette volonté similaire, de la part des cinémas français et chinois, d'affirmer leur savoir faire et leur pouvoir de séduction en piochant dans leur patrimoine historico culturel foisonnant ?
Et de rappeler qu'une telle démarche a été jugée totalement réactionnaire d'un côté, pour mieux mettre en avant la curiosité exotique qui demeure anecdotique mais sympathique tant qu'elle ne reste cantonnée qu'à une distribution ultra confidentielle et des séances privées comme celle à laquelle le masqué a assistée ?
Pas de quoi motiver la distribution des deux autres chapitres avec une seule entrée par séance, si vous voulez mon avis...
Alors même que le premier volet de cette saga, un autre genre revenant en force sur le grand écran en ce moment, tiens, réussit à tenir les plupart des promesses entrevues à l'occasion d'une bande-annonce assez démente.
Tout d'abord, Creation of the Gods joue beaucoup sur la mise en scène de sa culture et le souffle épique de son histoire. Pour qui est un petit peu familier des films asiatiques, de ses intrigues de cour et de leur aspect fantastico-mythologique, l'oeuvre évolue en terrain connu sans jamais perdre son public en route.
Les hommes, les dieux et les démons s'y côtoient dans un mélange ultra séduisant d'histoire en mode mythologie, d'heroic fantasy, de wu xia pian et d'influences de films comme Le Choc des Titans ou la série des Detective Dee. Autant d'éléments traduisant les grandes ambitions du film, à l'image d'une scène introductive de bataille inspirée aux dimensions impressionnantes.
Une ambition passant par un luxe de détails, des décors tout aussi maousses que grandiloquents, des costumes d'excellente facture et des effets spéciaux plutôt réussis auxquels ont été convoqués les savoir faire de certaines sommités occidentales comme le Tippett Studio. Pas les plus maladroits, en somme.
Ce spectacle est convoqué pour enrober l'histoire d'une malédiction surnaturelle et de complot à tendance politique qui, si elle est plutôt touffue, demeure toujours lisible dès lors qu'elle se focalise beaucoup plus sur ses figures de proue, occasion de traiter de l'intime et de développer ses principaux protagonistes dans le cadre de la construction d'une véritable saga familiale, avec en son centre, un chef de guerre sous emprise. Et après le virevoltant fracas de ses armes, Creation of the Gods sonde autant les cœurs et les âmes que les limites de la loyauté et de l'intégrité de ses héros. Les mises en scène de ces moments de calme relatif n'est pas en reste, sublimant en certaines occasions ses enjeux surnaturels et d'emprise le temps d'une danse obsédante de percutions rageuses, de rapprochements sensuels et de sursauts d'une cruauté surprenante.
La seule légère déception suscitée par The Creation of the Gods, c'est qu'il n'est peut être pas aussi over the top que le laissait espérer sa bande-annonce au niveau du spectacle ou encore du bestiaire convoqué. Pas que l'oeuvre soit foncièrement radine, mais l'on comprend dans la dernière ligne droite que la future saga en forme de trilogie en garde volontairement sous le pied, soupçon confirmée par deux scènes post-génériques dévoilant quelques éléments que l'on aurait pu être en droit d'attendre dans ce premier opus.
Cette réserve n'est cependant pas de nature à briser le charme de cette première aventure solide qui, par son exotisme et sa culture, offre une sensibilité différente pour animer un genre blockbuster systématiquement décrié par le fin cinéphile de salon. Le plaisir éprouvé devant le spectacle est manifeste et il serait dommage de s'en priver, et de condamner de facto une certaine diversification de ses horizons de l'art que nous aimons tant...
Behind_the_Mask, il était une fois en Chine.