L'homme de l'ombre
Une oeuvre étonnante du hongrois György Fehér, pleinement consciente de ses multiples influences, de laquelle émane un saisissant parfum de ténèbres. La référence première venant à l'esprit reste...
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le 19 mai 2015
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Une oeuvre étonnante du hongrois György Fehér, pleinement consciente de ses multiples influences, de laquelle émane un saisissant parfum de ténèbres. La référence première venant à l'esprit reste incontestablement Béla Tarr ( le cinéaste ayant du reste été consultant sur ce bien nommé Crépuscule ), par sa réalisation séquencée, son origine géographique, son rythme hypnotique et ses images Noir et Blanc... Toutefois Crépuscule parvient à imposer sa singularité au gré d'une atmosphère assez éloignée des ambiances du Cinéma de Tarr, ce dernier jouant en priorité la carte du contemplatif et du déliquescent : alors que Damnation, Les Harmonies Werckmeister et surtout Satantango baignent dans une humeur dépressive empreinte d'une évidente fatalité cet étrange Crépuscule renvoie à des climats, des sensations plus enfouies, plus rabattues, quasiment mystiques.
Crépuscule fait évidemment songer au M de Fritz Lang dans son postulat scénaristique, puisqu'il y est question d'un mystérieux tueur d'enfants... la comparaison ne s'arrêtant pas là, puisque l'action du film se situe au début des années 1930 : époque à laquelle le classique du cinéaste allemand fut tourné ! On a d'ailleurs l'étrange sentiment que le bijou formel de György Fehér a été réalisé à l'aube du parlant, dans sa photographie granuleuse, son choix du format Standard et son économie du verbe. L'esthétique et les éclairages souvent contrastés évoquent quant à eux le Cinéma expressionniste et, a fortiori, le Vampyr de Carl Dreyer ; des cadrages anguleux et précis, privilégiant l'amorce comme pour mieux suggérer la présence d'une entité malfaisante, l'ensemble conjugué à des plans-séquences d'une remarquable virtuosité. La complexité des mouvements de caméra et la diversité des échelles de plan font du dispositif visuel de Crépuscule un petit paradigme technique.
On ne perçoit pas toujours ce qui motive réellement les personnages, ce pour quoi ils agissent ni même leur véritable identité. György Fehér accorde un soin tout particulier à ce qui relève de la plus propre évocation, donnant à cette obscure investigation des allures de conte gothique. Certains plans de Crépuscule sont d'une beauté à ravir, très intelligemment composés ; ce film injustement méconnu parvient habilement à se démarquer des modèles cités précédemment, déjouant les attentes tout en confortant notre rapport au Septième Art.
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le 19 mai 2015
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