Lorsque l’on est une star vieillissante à Hollywood, on se voit dans l’obligation de se recycler dans des archétypes de rôles pour au final ne plus en ressortir. Pour les hommes, ce recyclage se cantonne aux films d’actions, une mode lancée par Liam Neeson avec Taken et qui s’est vu donner l’exemple à d’autres stars en quêtes de comeback comme Mel Gibson ou celui qui nous intéresse ici, Kevin Costner. Déjà héros du très mauvais 3 Days to Kill, il retente ici ça chance dans le thriller musclé très inspiré de la saga Jason Bourne (le quatrième film mis à part), qui a engendré une foule de films du genre mais qui n’ont jamais réussi à dépasser le maître et sont restés cloisonnés dans la série B voire même Z parfois. C’est Ariel Vromen qui a la lourde tâche de rendre ce énième film d’action digeste, après avoir réalisé le plaisant The Iceman en 2013, mais qui ne s’est jamais imposé par le succès ni la qualité limité de ses films. Autant dire que ce Criminal a de quoi inquiéter.


Le scénario part d’un pitch digne des plus grands nanars pour amener de la science-fiction à un film qui n’en n’avait pas forcément besoin. Surtout que le procédé de transférer la conscience d’un individu dans un autre n’est pas pleinement exploité et est traité de manière facile et incohérente. On a vu une idée similaire -et autrement mieux géré- dans le sympathique Self/less sorti l’an dernier. Là, ce n’est qu’un prétexte pour pouvoir s’offrir un anti-héros plus « original » que la moyenne. A la décharge du film, il est vrai que cet anti-héros en est le principal atout notamment dans les deux premiers tiers où il s’impose par sa violence et son absence de bon sens, n’ayant aucune notion de bien ou de mal. Cela permet d’emmener le tout vers des élans de noirceurs assez inattendus pour une telle production. Ça flirte avec la gratuité mais ça donne à l’ensemble un côté imprévisible et indomptable. Il est juste dommage qu’après ça le récit revienne sur les rail du classicisme avec l’habituelle histoire de famille mièvre que le « héros » devra protéger, le méchant ultra caricatural ainsi qu’un tas de seconds rôles inutiles et jetables qui sont lancés a la poursuite du personnage principal. D’ailleurs en ce qui concerne le méchant, non seulement son plan machiavélique est totalement improbable et stupide mais en plus le personnage semble forcé dans le récit. Chaque scène où il apparaît donne l’impression d’avoir été rajouté maladroitement apportant un lot d’incohérences assez incroyable. Ça part dans tout les sens, les dialogues sont médiocres, tout ce qui entoure la famille du personnage est forcé et agaçant et on a l’impression que rien n’est vraiment connecté dans tout ça, comme si les intrigues avançaient en « va comme je te pousse ». On à la sensation d’un truc inconsistant qui peine à accrocher le spectateur et qui finit par être ridicule surtout dans un dernier tiers qui enchaîne les aberrations et les moments totalement débiles.
Le casting prestigieux aurait pu sauver le tout du naufrage si il avait été utilisé à bon escient. Ici les acteurs ne sont pas en cause, étant globalement tous impeccable à part Jordi Mollà qui offre un cabotinage ridicule dans le rôle du méchant mais c’est davantage la direction d’acteurs et l’écriture du personnage qu’à l’acteur en lui-même qui doit être pointé du doigt. Le problème vient du fait que le film place des acteurs d’envergures pour leurs faire jouer des seconds couteaux inutiles et oubliables. Tommy Lee Jones, Gary Oldman et Ryan Reynolds, dans une moindre mesure, n’ont absolument rien à jouer et ne font qu’acte de présence. Ils ne jouent pas mal, il ne jouent tous simplement pas car ils n’ont pas la place pour faire vivre leurs personnages et les avoir embauché relève du gâchis. Des acteurs moins connus auraient tout aussi bien fait l’affaire et auraient été plus en accord avec les rôles. Par contre on retiendra Kevin Costner, qui à défaut d’offrir une grande performance s’amuse beaucoup. Il est toujours aussi énergique et assure dans les phases plus intimistes comme dans les moments plus bourrins. Il est accompagné de Gal Gadot qui est juste malgré un rôle peu développé et de Michael Pitt qui malgré le fait qui soit mis de côté durant tout le récit arrive souvent à voler la vedette lorsqu’il apparaît. Sans trop forcer, c’est lui qui apporte le plus de profondeur à son personnage.
La réalisation est plutôt réussi dans son genre, la photographie est générique mais pas honteuse, le montage est suffisamment maîtrisé pour maintenir un rythme soutenu et ne cède pas au sur-découpage, ce qui offre des scènes d’actions qui gardent leurs lisibilités. La musique n’est pas des plus inspirés mais fait convenablement le travail, ayant des relents électro pas désagréables et dynamisant bien les certaines séquences. Même si celle que l’on retiendra le plus ne provient pas des compositions originales, mais d’une musique déjà existante et qui vient parfaire une séquence nocturne assez cool et qui s’impose comme la meilleure du film. Durant ce passage, c’est là que la mise en scène d’Ariel Vromen se fait plus inspirée, montrant les traumas du personnage principal avec plus de subtilité et de grâce arrivant même à augurer le meilleur pour la suite. Dommage que ce passage intervient au début du film et que par la suite la mise en scène devienne terriblement fade. Par leur mollesse, les scènes d’actions finissent par manquer d’envergure et les passages de dialogues sont de simples champ/contrechamps ennuyeux qui ne profite jamais du casting pour faire quelque chose de plus excitant. C’est décevant surtout lorsque l’on a tout un passage qui réunit Tommy Lee Jones, Kevin Costner et Gary Oldman pour ne rien en faire. On sent très clairement qu’une opportunité a été manquée face à l’insignifiance de la scène. Il y a donc quelque chose de visuellement pauvre mais qui dispose d’une certaine maîtrise, c’est mieux que certains films qu genre qui ne peuvent même pas se vanter d’être fait proprement, même si ça reste un produit dérisoire et feignant.


En conclusion Criminal est juste un mauvais film de plus parmi la horde de médiocres films d’actions estampillés Jason Bourne (la référence se fait bien ressentir ici) qui vient hanter nos écrans chaque année. C’est mou, c’est chiant et c’est mal écrit mais ça a au moins le mérite d’être plus digeste et lisible que les productions Luc Besson même si ce n’est pas forcément un exploit en soi. On retiendra peut être un premier tiers assez sympa qui laissaient présager un divertissement efficace, un casting certes sous-exploité mais qui reste convenable et un traitement du personnage principal plus « audacieux » que la moyenne du genre. C’est très limité et ça ne sauve pas le film de la noyade mais ça permet d’avoir un petit lot de consolation pour quelque chose qui au final ne mérite pas le coup d’œil.


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le 10 mai 2016

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