William Friedkin réalise en 1980 un film qui a tendance à être passé inaperçu à l'époque car mal compris par la critique à cause de son sujet trop sordide, son décor de bars gays et son aspect un peu glauque par endroits. De ce fait, le film reste méconnu alors qu'il présente de grandes qualités. Il ne faut pas s'attendre à une exhibition grotesque des milieux gays sado-maso, du monde des "leather boys" et des adeptes de fist fucking, non, tout ceci c'est du folklore vu par les hétéros qui ignorent tout de ce monde de la nuit dans les boites gays newyorkaises. Friedkin se garde bien justement de juger et de sombrer dans la caricature.
Il s'agit d'un polar assez sulfureux quand même pour son époque de réalisation, d'ailleurs le film récoltera plusieurs interdictions, dont une aux Etats-Unis visant les moins de 18 ans, mais au-dela du polar qui n'intéresse pas vraiment Friedkin, c'est une exploration de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus tordu, il raconte une investigation complexe, l'auto-engagement d'un individu qui croyait son hétérosexualité au-dessus de tout soupçon.
Pour résoudre une série de meurtres dont sont victimes des homosexuels adeptes du h-s-m, un flic est chargé de se déguiser en cuir et d'infiltrer la faune gay de Greenwich Village, mais l'enquête va virer au cauchemar, c'est une vraie descente aux enfers à laquelle est convié le personnage incarné par Al Pacino, Friedkin filme son évolution psychologique et schizophrénique tout en décrivant de façon quasi documentaire ce monde des gays h-s-m, et Al Pacino livre une performance troublante et ambiguë par sa fragilité apparente, sans en faire des tonnes. Un film âpre et perturbant, mais à redécouvrir.