Crumb
7.9
Crumb

Documentaire de Terry Zwigoff (1995)

Il est de ces documentaires qui vous cueillent d’autant plus fort qu’ils frappent la où ne vous ne vous y attendiez pas. Là ou, peut-être, votre garde était baissée. Plus fort encore, cet aspect imprévu ne dilue pas la force du propos original: au contraire, les deux thèmes du films se nourrissent, se répondent et rendent chaque volet encore plus fort.

C’est bien le cas de ce portrait d’un des dessinateurs les plus célèbres du 20ème siècle, Robert Crumb. M’attendant à la description passionnante d’une contre-culture naissante au début des années 60, je me suis vu propulsé au cœur d’une des familles les plus dysfonctionnelles qu’il m’ait été donné de contempler.

Très rapidement, il apparait comme évident le fait que si Robert est le génie que l’on connait, c’est que le dessin fût sa planche de salut, et son talent le seul rempart possible contre la folie, chance que n’ont pas eu Charles et Maxon, ses deux frères. Le premier, inspirateur autant que castrateur, ne sortit de chez lui après ses 18 ans et demeura cloitré avec sa mère gentiment tarée pendant trente ans, avant de se suicider (un an après le tournage de ce documentaire). Le second, Maxon, passe le plus clair de son temps sur une planche à clou en avalant une ficelle sensée purifier son organisme, vivant dans un établissement spécialisé pour rester séparé du reste de sa famille. On ne saura pas grand chose des deux sœurs qui auront préféré ne pas apparaître à l’écran.

Terrifiant portrait en creux d’un père autoritaire rendu fou par (ses propres parents ?) la guerre et un travail ordinairement débilitant, et qui souhaitait, par la manière forte, faire de ses trois garçons de parfaits spécimen de l’american way of life (try again, bro!). Stupéfiant retour sur la trajectoire d’une mère qui s’anesthésia le cerveau à coup de médicaments quand la réalité se montra trop incontrôlable pour elle. Hallucinante photo de famille dont la folie est le seul point commun, et lien aussi puissant que terrifiant.

Pas étonnant, dés lors, de voir Robert passer son temps dans son carnet de croquis, refuge vital contre cette démence ordinaire qu’est la vraie vie (rarement un lieu commun comme "son art lui a sauvé la vie" peut à ce point se montrer adapté), incapable de ressentir un amour durable pour autrui, et dont un petit rire nerveux, comme un tic, est la seule parade face à une chose aussi incompréhensible et violente que le monde autour de lui.

Celui qui ressemble à un gentil doux-dingue en début de métrage se révèle être un homme incroyablement sain d’esprit à la fin, lors de son départ pour le sud de la France (déjà, la destination ne trompe pas, même s’il s’agit du choix de sa compagne), un rescapé revenu d’un des pires voyage au cœur des ténèbres que l’on puisse imaginer. La réalité est toujours beaucoup plus effrayante que la plus réussie des fictions.

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le 1 janv. 2015

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guyness

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