La blanche colombe voudrait bien avaler la bave du crapaud tatoué

Lorsqu'enfant, j'ai regardé Cry-Baby, je me souviens avoir bien ri.
L'époque des films regardés un long après-midi d'été avec mes cousins trop cools, où toute la famille chantait le rock n' roll, au moment où le piratage, c'était du vol. Et le vol, est puni, par la loi.


Une bonne dizaine d'années plus tard, je décide de croquer un peu dans la pomme rouge carrossée de la nostalgie après avoir vu un petit documentaire sur l'infâme et génial John Waters.
Après l'avoir engloutie, la nostalgie est d'autant plus savoureuse qu'elle a un goût chimique ; j'ai bien fait de me fier à la couleur de bonbon radioactive qu'elle revêtait.


L'espèce de parodie Greasée tourne au ridicule et se joue des personnages lisses représentatifs de l'après-guerre américaine : ils évoluent dans un monde blanc et suburbain, si ennuyeux et policé qu'il en devient loufoque. Pas si surréaliste de faire une chenille géante dans les beaux quartiers avec ses copains quand on embarque la nuit d'avant les pouilleux de l'étang avec force et impunité.
J'ai par exemple remarqué avec mes nouveaux yeux que les seuls Afro-Américains qui figurent dans le film sont entre 4 murs - de voiture ou de béton.


Ce genre de détails saupoudrés ici et là ne nous fait pas perdre de vue le but principal ici, à savoir le fun et le grotesque.


Le Baltimore impersonnel dans lequel le jeune John Waters a du crever d'ennui à la sauce housewife supplément société de consommation se retrouve bousculé par les rednecks avec qui la jolie Allison et le spectateur s'encanaillent gaiement.


Ce que je prenais pour des personnages un peu bizarres mais marrants étant enfant s'avère être, à la deuxième lecture la déclaration d'amour aux freaks de Waters qui resplendissent même dans ce qui est son film le plus grand public et mainstream.
Une adolescente enceinte et ses sales gosses, une pin-up lascive et ses parents coincés, un rockeur crado qui se lave les fesses dans une minuscule bassine, une figure maternelle édentée et gouailleuse, deux amoureux transis et coupables de délits (de faciès).
Politiquement incorrects, laids, pauvres, de mauvais goût et magnifiques.
Et au passage Johnny Depp, beau gosse stupide, caricature de sa propre image, avec quelques tattoos mal faits.


Le film est un enchaînement kitsch assumé, une chorégraphie balourde dont on connaît la fin mais que chacun continue à regarder, fasciné.e par l'indécence rigolarde du chef d'orchestre.
Après quelques passages rockabilly et un séjour en taule façon Presley,
le dénouement balancé dans les airs est un joyeux bordel,
que l'on quitte
le sourire aux lèvres.

Leo_Abbas
8
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le 11 oct. 2019

Critique lue 374 fois

Leo_Abbas

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