Richard Attenborough n’a pas son pareil pour mêler la fresque historique ample et les actions d’un individu destiné, par sa foi et son héroïsme, à agir sur l’Histoire, à faire l’Histoire. Du jeune Churchill à Gandhi, sa filmographie atteste une attention portée à l’entrelacs de l’intime et du public, du petit et du grand, de l’insignifiant et de l’essentiel. Cry Freedom propose ainsi une figure de résistant à l’oppression raciste, Steve Biko, pour mieux tromper son spectateur à mesure que son attention se détourne du leader politique pour s’axer sur le journaliste qui, comme il le dit explicitement, a pour vocation d’entretenir la mémoire. Donald Woods gagne peu à peu le premier plan jusqu’à devenir, le temps d’une course contre la montre fort réussie, le moyeu autour duquel gravitent les enjeux du récit ; et son héroïsme réside justement dans sa vocation de passeur, le journaliste devant passer la frontière (physique) pour transmettre une somme d’informations, pour passer le flambeau de la révolte (idéologique).


Attenborough s’attarde alors sur la violence de ce passage : famille menacée et agressée chez elle, père tiraillé entre sa vocation et la protection de son épouse et de ses enfants, contraint à terme de se déguiser en religieux pour ne pas éveiller les soupçons. Tout se passe comme si Biko, après sa disparition, se réincarnait en Woods ; mieux, comme si Woods accueillait en lui non seulement la parole de Biko, mais en quelque sorte son être profond. L’assignation à résidence constitue le summum de la superposition des deux personnages, unis par une même cause. Le rythme du film parvient à conjuguer la fébrilité et la lenteur, rendant le combat ardent et pourtant ankylosé, engourdi sous le poids des restrictions ; nous avons l’impression d’étouffer alors que nous parcourons de vastes étendues dorées ; nous ressentons l’apartheid, tout au fond de nous-mêmes.


Porté par d’excellents acteurs et une mise en scène précise, Cry Freedom est une œuvre importante qui souffle sur les braises encore chaudes de la ségrégation en Afrique du Sud.

Créée

le 21 janv. 2021

Critique lue 233 fois

3 j'aime

Critique lue 233 fois

3

D'autres avis sur Cry Freedom, le cri de la liberté

Cry Freedom, le cri de la liberté
RAF43
9

"La nation arc-en-ciel !"

Le cri de la liberté, c'est un cri de douleur, celle du peuple noir d'Afrique du Sud asservi depuis des siècles, d'abord par les Afrikaners en grande majorité hollandais, puis par l'empire...

le 8 sept. 2016

3 j'aime

Cry Freedom, le cri de la liberté
FrankyFockers
8

Critique de Cry Freedom, le cri de la liberté par FrankyFockers

L'histoire vraie de Donald Woods, journaliste blanc d'Afrique du Sud qui se liera d'amitié avec Steve Biko - alors que c'était mal parti - et qui fera tout, alors qu'il est assigné à résidence, pour...

le 9 déc. 2020

2 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14