Un film passable ; une adaptation médiocre
J'ignore si j'aurais été si sévère si je n'avais pas le livre comme point de comparaison. Je pense que oui, car le film pèche en de nombreux points. Mais plus que tout, il annihile cette innocence fragile qui fait tout le drame du roman de Katayama.
Ce qui m'a choquée, en premier lieu, ce sont les personnages de Saku et d'Aki, si différents de l'idée que je m'en étais faite. Alors oui, évidemment, ce n’est là qu’une frustration de mon imagination, et j’ai vraiment essayé de comprendre ce choix de la part du réalisateur. Il a créé des personnages plus dynamiques, plus directs, plus loufoques : une Aki qui n’en fait qu’à sa tête et un Saku à qui des yeux particulièrement étroits, même pour un japonais, donnent un air exagérément espiègle et même un peu rebelle. Cela donne sans doute des personnages un peu moins ternes à l’écran et auxquels l’on s’identifie mieux. Seulement, voilà, ce qui fait toute la force du livre, c’est justement leur caractère réservé, doux sans jamais être mièvre, et tout ce que cela renvoie à la fois d’innocence et de maturité, ce qui semble les mettre un peu à l’écart du reste du monde. Ici, l’amour chaste qui les unit perd donc toute sa dimension de pureté.
Mais certes, j’accepte. La maladie devrait d’autant plus faucher cette Aki pleine d’une vitalité inédite. Pourtant, il n’en est rien. On ne voit rien de l’affaiblissement perpétuel qui donne au livre ses accents tragiques. Elle s’évanouit à deux reprises, perd ses cheveux, dit deux ou trois fois qu’elle sait qu’elle va mourir : c’est tout. Ces éléments ont juste l’air d’être saupoudrés sur une héroïne par ailleurs en parfaite santé. Il n’y a rien des doutes et des espoirs qui font le combat contre la maladie. Surtout, ce qui n’apparaît pas, c’est sa façon de s’en remettre au monde spirituel pour accepter sa destinée, creusant ainsi peu à peu un fossé avec Sakutaro et son cœur plus pragmatique. On ne voit pas comment, doucement, son énergie vitale déclinante se sublime en foi. Ici, on voit juste deux adolescents donnant des coups d’épée dans l’eau sans prise sur ce qui leur arrive.
Troisième point que je voulais soulever : le choix comme point de départ de la narration de Sakutaro, 17 ans plus tard et sur le point de se marier avec Ritsuko, qui me laisse un peu perplexe. Il s’agit de l’ultime chapitre du roman, qui prend toute sa valeur de par le grand décalage qu’il entretient avec la narration principale, qui se déroule lors du pèlerinage en Australie pour disperser les cendres d’Aki, quelques semaines après sa mort. Mais comme ce temps-ci n’existe pas dans le film, on est forcé de se retrouver avec un Sakutaro de 34 ans qui n’a toujours pas fait son deuil, et qui reste prisonnier de ses passions adolescentes. Pourtant, il y a toujours trop de distance avec la douleur d’alors, qui perd de fait de sa force, tandis que ce « présent » manque de sagesse et de philosophie.
Surtout, cela nous amène à ce qui est pour moi le principal défaut de cette adaptation. Le personnage de Ritsuko. Je ne vais pas m’attarder là-dessus car ce serait spoiler le film, mais toujours est-il que le rôle qui lui est donné dans cette histoire donne à l’ensemble une dimension de destin ou de coup du sort qui vient totalement casser la triste banalité qui faisait toute la force du roman. Idem pour le personnage du grand-père, ici transformé en photographe, et son premier amour. Ces hasards (et il y en a d’autres) censés j’imagine renforcer le côté tragique du film ne font que briser toute vraisemblance, et donnent un côté grand-guignolesque.
En fin de compte, je me rends bien compte que tous ces reproches ne sont qu’une comparaison avec le roman, mais même lorsque j’essaie de considérer ces éléments indépendamment, je trouve le tout bien médiocre. Le film, dans l’ensemble, manque de finesse comme de rythme. On croirait plutôt un assemblage de scénettes, et la discontinuité de la narration (pourtant moindre que dans le livre) ne parvient pas à reconstituer la charge émotionnelle totale. L’exemple du roman n’est là que pour témoigner de ce en quoi l’histoire aurait pu être mieux ; et comme il s’agit du matériau de départ, il laisse flotter une impression de gâchis.