Cyrano, ou la voix du cœur

Comment parler de ce drame éclatant ?

Ce sont évidemment les répliques qui font la saveur et la profondeur de Cyrano (allergiques au lyrisme s’abstenir), sublimées par la performance flamboyante de Depardieu. Les recevoir est une expérience dont l’on ressort élevé au plus profond de soi, car qu'on se le dise, entrevoir le joyau qu'est l'esprit de Cyrano, c’est un peu apprécier la chance d’apercevoir un cygne au bord d’un lac : un instant de grâce que l'on honore par le silence. À l'image des personnages secondaires, il parle et l’on se tait. Il joue et l’on admire. Les mots touchent juste, jamais de trop, jamais trop avares, dansant sur une note habile ; si haute qu’elle vous enivre. Il suffirait d’une erreur pour que cette mélodie vertigineuse s’enraye, mais cet instant n’arrive jamais, et l’on se retrouve démunis face au beau.

Ce sentiment est mis exergue par le contraste entre l’élégance de Cyrano et la bêtise crasse des personnages qui l’entourent, exception faite de Roxanne. Les discours – bien qu’ils se suffisent à eux-mêmes pour produire leur petit effet – en sont d'autant plus éblouissants. On aurait presque l’impression d’assister à une bénédiction se posant sur des esprits simples, pareille à un chant de cathédrale auquel aucune animosité ne résiste. Touchés par les ailes de cette colombe, ses interlocuteurs ne sont plus, dès lors, que les heureux réceptacles de cette symphonie. Cyrano, lui, en devient surnaturel.

L'envoûtement de cette baguette magique parfume les moindres scènes du film. Accompagnés bien sûr de la plus vieille et séduisante histoire qui soit : celle d'un amour éperdu, nous offrant alors un cocktail saisissant qui nous rappelle à nos amours les plus passionnés. Qui n'a jamais été effleuré par un accès de romantisme grandiloquent, ne serait-ce que dans ses fantasmes de jeunesse ? Cyrano réveille cette fibre et la la magnifie. Si l'amour était une religion, Edmond de Rostand lui aurait donné tous ses mots, et Cyrano en serait la bible. C'est là, à mon sens, ce que représente le film : l'une des plus grandes ode au sentiment amoureux jamais prononcée, véritable pépite de la littérature.

J'emporte avec moi, dans un coin de mon cœur, ces répliques qui ont donné à l'amour certaines de ses plus belles lettres.