Si vous aimez découvrir des films hors des sentiers battus, la plateforme Outbuster est une véritable mine d’or. C’est là que j’ai pu voir D’étoile en étoile d’Antonio Amaral, un film qui, sous ses airs bricolés et sa caméra vagabonde, cache une réflexion d’une rare profondeur sur la marginalité et la place de l’imaginaire dans la lutte sociale. Un passage du film m’a particulièrement interpellé : celui qui met en scène une manifestation des Gilets jaunes.
Dans cette séquence, Amaral fait le choix d’insérer son récit au sein d’une véritable manifestation. Pedro, son protagoniste, croise alors un Gilet jaune avec qui il tente d’échanger. Mais très vite, la discussion tourne à un dialogue de sourds. D’un côté, Pedro, le rêveur, l’artiste qui croit au pouvoir de l’imaginaire pour transformer la réalité ; de l’autre, un militant qui porte sur lui l’héritage d’une lutte sociale intense, mais qui semble enfermé dans un discours pragmatique, incapable de percevoir l’enjeu symbolique de la démarche de Pedro. L’incompréhension est frappante, presque absurde, et pourtant révélatrice.
Par cette scène, Amaral souligne un paradoxe de l’histoire contemporaine : la révolte des Gilets jaunes, malgré son intensité et son impact, s’est en partie consumée faute d’une pensée qui dépasse l’immédiat. Elle a été étouffée par les médias, discréditée, et s’est trouvée incapable d’articuler un imaginaire politique capable de perdurer. Pedro, lui, incarne cette nécessité de penser et de rêver autrement, de construire un espace d’utopie. C’est là que le film devient particulièrement puissant : il ne se contente pas de documenter une errance individuelle, il questionne le rapport entre révolte et création, entre lutte sociale et vision à long terme.
En définitive, D’étoile en étoile ne raconte pas seulement l’histoire d’un homme perdu dans les marges, il met en lumière un enjeu central de notre époque : sans imaginaire, toute lutte est vouée à s’éteindre. Une réflexion subtile, servie par une mise en scène qui brouille les frontières entre fiction et réalité. Un film rare, nécessaire, qui donne à penser autrement.