Ce n'est pas le film qui va me rabibocher avec Dupieux. Le sujet n'était d'ailleurs pas favorable : un film sur Dali, figure du surréalisme certes, mais aussi affreux personnage, à la pensée réactionnaire, misogyne, prétentieux et chouchou de la droite monarchiste par-dessus le marché. Mais après tout, ce n'est pas un biopic, c'est un « objet filmique », laissons sa chance au produit. Alors oui, c'est très joli, l'univers décalé et absurde cher à Dupieux se marie bien avec le surréalisme de Dali. Mais bon sang, que c'est frustrant de regarder un film qui se désamorce systématiquement à chaque fois qu'il s'apprête à dire quelque chose. C'est mon grief récurrent envers le cinéma de Dupieux, cette manie de toujours se défausser sur l'absurde. Et c'est un schéma qui se répète à chaque film. Alors voilà, le film est court, pour une fois il a une vraie fin (même si, hein, bon, quelle originalité une fin qui laisse planer le doute sur ce qui est réalité et fiction !). Ça n'empêche qu'il ne m'a pas beaucoup accroché. La faute aussi à un mélange des genres avec quatre acteurs pour incarner Dali, sans réelle justification (ou alors j'ai loupé quelque chose). Autant Jonathan Cohen est plutôt bon (et pour une fois il joue autre chose que Jonathan Cohen, ça fait plaisir) et Pio Marmaï décent, autant Gilles Lellouche et Edouard Baer peinent à se être convaincants dans la peau du peintre.
Il est vrai que le film ne traite en réalité pas tellement de Dali. En réalité, la protagoniste est la journaliste incarnée, avec son talent habituel, par Anais Desmoustier. Néanmoins, ce sous-texte de la journaliste victime du syndrome de l'imposteur, méprisée par le monde du documentaire, pour qui Dali n'est finalement qu'un faire-valoir, est-ce bien sérieux ? Comment Dupieux réussit encore à trouver le moyen de se positionner comme un petit outsider inconnu alors que c'est sûrement un des cinéastes français les plus bankable depuis des années ?
C'est d'autant plus frustrant que j'ai envie d'aimer le cinéma de Dupieux. J'aime l'absurde, j'aime son univers, j'aime les prémices de ses films. Pourtant, en arrivant au générique de fin, j'ai l'impression de ne rien avoir eu à me mettre sous la dent. Il m'en reste encore pas mal à voir, dont ses premiers (Steak, Rubber et Réalité en particulier). Peut-être que j'y trouverais enfin cet électron libre, cet OVNI du cinéma qu'on me vend avant chaque projection. Mais bon, je dois reconnaître que c'était beau, c'était bien exécuté et qu'il y a du talent dans tous les départements. J'aurais juste aimé que ça dise quelque chose.