Un clown triste
Il faut d'abord que je parle des conditions de visionnage de ce film, très particulières. Ayant eu l'honneur d'être convié à la Cinéexpérience #1, organisée par SensCritique, je ne savais pas ce que...
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le 26 mai 2015
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Il faut d'abord que je parle des conditions de visionnage de ce film, très particulières. Ayant eu l'honneur d'être convié à la Cinéexpérience #1, organisée par SensCritique, je ne savais pas ce que j'allais voir. Aux premières images, j'étais déboussolé. Lorsqu'on choisit un film au cinéma, on sait à quoi s'attendre. Mais lorsqu'on ne choisit pas, on est rapidement dépourvu. C'est probablement dans ce plus grand dénuement que l'on peut juger le plus objectivement possible un film. Je ne pouvais le relier à rien, à aucun courant, à aucune grille de lecture. Je l'ai vécu, tout simplement, et c'était génial.
J'ai été agréablement surpris, parce que je ne suis pas un immense fan des happy movies à l'américaine, et plus encore quand ils ont ce côté rétro. Les premières minutes m'ont fait peur. Je voyais ce mari fou, incarné par Mark Ruffalo - vraiment excellent au demeurant - , dijompter littéralement à l'écran. La scène suivante, il était dans un foyer pour dépressif. Je craignais le pire : un film dur, un film sur la folie, la dépression, sur une Amérique crade et folle. Un film sérieux, un film chiant...
Et puis, le rire est venu, malgré moi. Ce père, délirant, extravagant, aussi gamin que le Robin Williams de Madame Doubtfire, mais surtout fou d'amour pour ses filles et sa femme, passionné par sa famille, anime le film d'un souffle burlesque, clownesque et hors du temps. Les gags s'enchainent, les répliques fusent. Ses deux petites filles sont touchantes, et occupent rapidement le rôle d'adulte dans un appartement qu'il est incapable de gérer seul, sa femme étant partie faire des études de commerce à Columbia pour trouver un travail plus décent. Le père est décevant souvent, parfois génial, capable d'inventer, de se couper en quatre pour ses filles ou pour sa femme qu'il tente de reconquérir, malgré sa dépression latente et ses mauvaises habitudes : alcoolisme et tabagisme extrêmes.
Et pourtant, derrière les frasques, les rires, le père touchant et insupportable, exaspérant et irrésistible, il y a le contexte, dur. La pauvreté crasse de cette famille déchirée par l'alcoolisme et la dépression d'un mari qui se réfugie dans le burlesque pour palier à son désespoir. Il a été isolé et traité pour son bipolarisme. Il en est sorti mais ne se soigne pas. Il fuit sa maladie. Ses filles le savent, les personnages les plus lucides du film, d'une troublante maturité. La séparation d'une mère et de ses enfants, contrainte d'aller étudier et travailler loin et l'alcoolisme et le tabagisme, omniprésents, devant des enfants (une clope à chaque plan, une canette de bière toutes les minutes) donnent une dimension profondément dépressive au film. La persistance de ses deux toxiques indiquent en permanence l'illusion terrible entretenue, le cache-misère d'une piteuse existence. En cela j'ai trouvé que le happy movie qu'est Daddy Cool - quelle traduction horrible du titre du film d'ailleurs - a le mérite de baigner dans une atmosphère tragique et réaliste. Loin d'entretenir l'illusion comme les comédies asceptisées d'Hollywood, le film n'est pas loin du cynisme.
D'ailleurs le film ne se termine pas vraiment bien. La situation reste presque inchangée, ce qui est rare et toujours troublant. Restent ses moments de bonheur, d'un père et de ses filles, les petites attentions, les moments quotidiens, "la routine" comme il est dit dans le film à plusieurs reprises et la famille. L'amour vous dis-je, l'amour, le plus dangereux et le plus beau des poisons, aussi présent à l'écran que les paquets de Lucky Strike.
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le 26 mai 2015
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