Un clown triste
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Maya Forbes, d’abord productrice, scénariste, réalise avec Daddy Cool son premier film. Son titre original Infinitely Polar Bear nous éclaire bien plus sur le sujet du film à savoir la bipolarité. Le film présenté au festival de Deauville l’année passée est librement inspiré de la vie de la réalisatrice. Son père Cameron (Mark Ruffalo) atteint de trouble bipolaire est renvoyé de son travail, et hospitalisé, laissant ses deux filles Amélia et Faith seul avec leur mère Maggie (Zoé Saldana). Cette dernière poussée à reprendre ses études alors qu’elle ne trouve pas de travail ne va avoir d’autres choix que de laisser ses filles seules avec leur père.
Le film qui se présente comme un exécutoire pour la réalisatrice est bien entendu pétrit de bonnes intentions. Montrer aux travers des yeux des deux enfants ce qu’elle a vécu durant sa jeunesse, face à un père agissant contre toute notion de bon sens. Un père qui les aimait mais dans l’incapacité de par sa maladie d’endosser les responsabilités qui lui incombaient. Expérience fort douloureuse qu’elle a tenté de retranscrire avec douceur à l’écran.
Mais dans cette tentative de mise en image d’un sujet personnel et compliqué, en plus d’être passé à côté de son sujet l’ensemble est un véritable échec tant artistique que technique. Le film n’est rien d’autre qu’une succession de situation ayant pour but de montrer la folie douce de son personnage principal, Mark Ruffalo en roue libre, plus cabotin que jamais. Car le souci majeur du film vient du manque de direction des acteurs principaux qui livrent une bien triste prestation. Outre le festival guignolesque peu inspiré de Ruffalo, la prestation de Zoé Saldana n’en est pas vraiment plus convaincante. Plus dérangeant, les deux comédiennes qui interprètent leurs deux filles n’ont pas l’intensité nécessaire pour faire naitre l’empathie. Quant à leur complicité, rien à en dire, elle est inexistante et le peu qu’on en perçoit semble forcée. L’alchimie n’a pas lieu entre les quatre comédiens nous laissant imperméables à leurs questionnements.
L’émotion qui est la seule chose qui aurait pu sauver le film peine à pointer le bout de son nez. La réalisatrice ne nous épargne rien, et son film ressemble à une compilation des pires gimmick du cinéma indé américain de ces dix dernières années. Elle tente de cacher la faiblesse de sa mise en scène derrière des effets de styles qu’on espère film après film ne plus voir au cinéma. Et compile les plans en super 8 et autres effets clipés faisant passer ses protagonistes pour des marionnettes sans âmes, et ne prend jamais le temps de s’intéresser plus amplement aux personnages qu’elle filme. Excepté une ou deux scène de couple, jamais les protagonistes ne sont sérieusement mis en scène dans des situations qui se voudraient un minimum introspectives. Ajouter à cela une bande son qui s’affiche comme un jukebox de tubes pop-folk qui rendent le tout irritable, et vient nous rappeler que le temps commence à se faire bien long, laissant totalement le spectateur sur le carreau face à ce film dénué de convictions et aux enjeux émotionnels mal retranscris.
Même si elle tente de dire quelque chose de son époque quant à la maladie, ou la place de la femme dans la société, elle coupe aussitôt cours à toute forme de réflexion qui aurait pu naitre. Et c’est là le gros problème du film, l’absence de point de vue. Au-delà de brasser des situations sans grands intérêts, l’impression du manque d’implication dans l’histoire, et la sensation de faire un film juste pour divertir sans y réfléchir est terriblement frustrante. Et d’autant plus quand on sait que le film est en partie autobiographique. Qu’est-ce que la réalisatrice a à dire sur cette maladie ? Sur les liens qui lient cette famille ? On ne le saura jamais vraiment. Freiné par son statut de feel good movie, émouvoir en faisant rire, le film ne fait ni l’un ni l’autre.
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Créée
le 31 mai 2015
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