Un clown triste
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A Boston, Cam élève ses deux filles, tandis Maggie, sa femme, entreprend de nouvelles études à New-York, dans l’espoir d’apporter à ses enfants une brillante éducation et un certain confort familial. Sauf que Cam est diagnostiqué maniaco-dépressif. La tache, celle d’éduquer seul ses enfants, se révèle alors plus ardu.
Malgré un titre assez niais et sous ses airs de petite comédie familiale indépendante (avec une utilisation de la super 8, dont on se serait volontiers passé), le premier film de la réalisatrice Maya Forbes surprend par sa capacité à maintenir un équilibre dans ses émotions. Forbes, qui se raconte en mettant en scène son histoire familial, évoque donc la bipolarité de son père à la fois avec tendresse, mélancolie et humour, le tout sans jugements, sans pathétisme affecté.
Le père, interprété par Mark Ruffalo (très convaincant) souffre donc de maniaco-dépression. Sous traitement, qu’il décide de suivre à sa guise, Cameron nous apparait sous différentes facettes, en passant d’un profond dévouement et d’un investissement total dans l’éducation de ses filles à une certaine irresponsabilité qui se manifestera par la fuite du foyer familial, souvent le temps d’une soirée entière, laissant seules, sans surveillance, ces deux jeunes filles.
Les deux jeunes filles, Amelia et Faith, surprennent par leur maturité et les émotions qu’elles ressentent (la profonde culpabilité de laisser seul leur père, entre autre) malgré leur jeune âge. Ce trio de personnages principales ne cesse de se compléter mutuellement. La maturité, donc, des deux soeurs, conscientes de la pathologie de leur père, compense l’excessivité de ce dernier. Et à l’inverse, Cameron sait faire preuve des qualités requises d’un homme au foyer, face à ces deux filles qui, de part leur âge, sont sujettes à des crises adolescentes. Tour à tour, ils s’éduquent et s’adaptent entre eux et, malgré les tensions inévitables, ressort finalement du film la tendresse et l’amour qui unit ses trois personnages.
Au delà de la relation père-fille qui s’inscrit au coeur du film, la réalisatrice exploite également le rapport qu’entretient Cameron avec son entourage. Celui-ci ne semble pas avoir intégrer les règles de bonne conduite d’usage, à tel point qu’il effraie son voisinage par sa serviabilité déconcertante. Au grand dam de ses deux filles, honteuses du comportement souvent gênant de leur père. Cette insouciance est touchante, parce qu’elle s’éloigne d’un je-m’en-foutisme agaçant qu’on aurait pu facilement déceler dans ce genre de personnage.
La réalisatrice inscrit son histoire dans les années 70, période de révolution sexuelle mais également d’évolution du cadre familial classique et traditionaliste. Ce choix lui permet de mettre en scène un schéma familial «inversé», où la mère s’éloigne géographiquement du foyer pour reprendre ses études pendant que le père reste à la maison et s’occupe des enfants. La souplesse du film, ici, résulte de l’absence de représentation négative d’un père déboussolé dans la réalisation de ses fonctions d’homme au foyer. A l’inverse, c’est avec envie et non par dépit qu’il s’accomplit dans les diverses taches ménagères, de la cuisine à la décoration. Ce type de comportement, relevé avec étonnement par son entourage («Je suis fière de vous, vous êtes un homme moderne, beaucoup d’hommes auraient refusé cette situation de peur d’être émasculé» - réplique d’une voisine à Cameron) est totalement assumé car perçu comme évident par Cameron.
Ainsi, le film ne prendra pas de dimension masculiniste, en mettant en scène la rébellion d’un père contre son statut d’homme au foyer. Car lorsqu’elle se manifeste, l’irresponsabilité de Cameron traduit davantage un manque de contact humain avec des personnes de son âge. La preuve, lorsqu’il abandonne dans un moment d’égarement ses filles chez lui, c’est pour venir en aide à ses voisines, en proposant ses services (d’homme au foyer, encore).
Daddy Cool séduit par sa fantaisie et sa mélancolie, par ses personnages à la fois excessifs et équilibrés, tristes et attachants. Mais également (surtout?) par sa légèreté; qui est souvent plus porteuse de sens et de questionnements; qui fait de Daddy Cool un feel good un peu bad aussi-movie, qui ne laisse pas indifférent.
Créée
le 24 juil. 2015
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