"C’était vraiment très intéressant."
Depuis que je fréquente des cinéphiles et que je me penche sérieusement sur la question, je prends progressivement la mesure de ce qui fait la spécificité d’une œuvre cinématographique. C’est un regard, un parti pris esthétique, un propos, une narration. C’est un assemblage de paramètres assez complexe au service d’une alchimie qui peut faire de miracles.
Depuis un an environ, je vois des chefs d’œuvres et je n’en reviens pas d’être jusqu’alors passé à côté, mais moins déçu d’un passé d’ignare qu’enthousiaste de tout ce qu’il me reste à découvrir.
Introduction un tantinet longuette pour dire que ce parcours cinéphile me rend un peu circonspect face à des films comme celui-ci.
Si l’on regarde bien, ce qui fait l’apprécier, car il est appréciable, c’est d’une part les fameuses performances d’acteurs, Amérique nous voilà, Oscars nous voici, tout ça. (Qu’on me permette de moduler ce torrent d’éloge par le rôle de Jennifer Garner, qui passe son temps à incliner ses - très jolis – sourcils par compassion, et n’est pas une seconde crédible en médecin affectée et minée par les patients qui l’entourent). La deuxième raison, c’est son sujet. C’est intéressant, c’est un retour sur une page de notre histoire sociale récente, c’est touchant, c’est biographique, bref, tous les ingrédients sont là pour qu’on juge le film en fonction du pathos qu’il ne manquera pas de générer.
Oui, tout cela est vrai. L’industrie est inhumaine, et ce petit gars détestable au départ, dont on connait dès les premières minutes la tolérance future aux homosexuels et le passage du dealer au bienfaiteur, a tout du héros comme on les affectionne.
Mais bon. Ce n’est plus du tout mon genre de film. J’apprécierais de lire un article dans la presse sur cette destinée, voire un documentaire. Je ne vois pas l’intérêt d’en faire un film, assez long de surcroit, qui se cache derrière ses intentions louables (la dénonciation de l’industrie pharmaceutique ? même si j’ai eu du mal à comprendre le carton final sur les bienfaits de l’AZT) ou moins (la course au pathos, et partant, aux oscars).
Le biopic, c’est intéressant. Une œuvre cinématographique, c’est mieux.