Diabolik est un génie du crime qui sévit avec son amante Eva Kant. Poursuivi sans relâche par l'inspecteur Ginko après avoir dérobé quelques millions, Diabolik s'attaque cependant à plus gros : un collier aux onze émeraudes. Mais il devra aussi alors lutter contre Ralph Valmont, chef de la pègre locale, bien décidé à se débarrasser de cet empêcheur de voler en rond.
On ne peut pas vraiment dire que le métrage reflète avec exactitude l'univers de Mario Bava, bien plus habitué des gialli et de l'horreur gothique ; il a même une place tout à fait spécifique dans sa filmographie. En effet, après la sortie de films aujourd'hui reconnus comme « Six femmes pour l'assassin », « La fille qui en savait trop » ou bien encore « Les trois visages de la peur », le réalisateur décide de travailler pour la première (et dernière) fois avec Dino De Laurentiis, le producteur italien au plus de 500 films, sur une adaptation de BD d'aventures.
La collaboration ne se passe visiblement pas très bien, Bava voulant garder la touche sombre et violente des fumetti – l'équivalent des comics en Italie – là où De Laurentiis souhaitait un film léger, calibré pour le grand public. Le casting atteste d'ailleurs de cette volonté, puisqu'on y retrouve John Phillip Law, également détenteur du rôle titre masculin dans « Barbarella », Michel Piccoli, Adolfo Celi (le méchant de « Opération Tonnerre »), et la sublime Marisa Mell, qui remplaça au pied levé une Catherine Deneuve virée du tournage.
Malgré ces contraintes de production, le film reste une référence, de « Austin Powers » aux films de Tarantino, tant pour son esthétique radicalement connotée 60's que pour sa mise en scène remarquablement précise et singulière. Car la première idée brillante de Bava dans « Danger : Diabolik ! » est de respecter le découpage et le mode de construction des cases de bandes dessinées. Jouant sans cesse avec les échelles de plans, les déformations d'images ou les mouvements de caméra, il réussi à rendre de façon extrêmement graphique un scénario alternant entre réalisme et psychédélisme.
La séquence se déroulant dans une boîte de nuit fréquentée par des hippies complètement stones en est d'ailleurs l'illustration la plus parlante. La caméra suit dans un flou vaporeux un joint passant de mains en mains, au rythme de la musique d'Ennio Morricone avant de revenir à la netteté et de se fixer dans un coin de la pièce quand la police débarque.
La partition du compositeur transalpin y est du reste pour beaucoup dans la réussite du film. Entêtante au possible, elle magnifie cette figuration de la pop culture pensée par Bava. Plutôt coutumier d'un esthétisme froid, voire clinique, le réalisateur bouscule complètement ses habitudes avec « Danger : Diabolik ! », nous livrant une œuvre solaire et sensuelle.
En effet, si nous sommes habitués aux représentations des sixties, elles sont souvent associées à un style anglo-saxon. Or celles de Bava sont ici mâtinées d'influences latines, qui se ressentent plus spécifiquement dans les décors, donnant au film une langueur feutrée qui contraste habilement avec l'enchainement rythmé des intrigues. Du repère de Diabolik qu'on penserait aménagé par le « Q » de James Bond tant il recèle d'inventivité au jet privée de Valmont, le réalisateur nous immerge dans un film libéré de toutes les contraintes cinématographiques usuelles.
Une autre des spécificités du film est de présenter un anti-héros cagoulé de noir, aux antipodes des supers héros américains parfois engoncés dans une morale nationaliste. Diabolik n'hésite pas à tuer quand c'est nécessaire, assez violemment, ne s'arrêtant jamais aux limites du politiquement correct. Bava fait de son personnage une sorte d'hymne à la liberté individuelle, qui se joue de la lourdeur et de l'inutilité des institutions auxquelles il s'attaque en priorité. C'est au final ce qui rend le personnage éminemment sympathique, ceci couplé à son intérêt pour le challenge bien plus que pour l'aspect matériel.
Évocateur d'une époque fantasmée, « Danger : Diabolik ! », réussi le tour de force d'être un film aussi impertinent dans la forme que dans le fond dans lequel Bava laisse libre cours à son imagination débordante en s'affranchissant des codes du cinéma d'horreur dans lesquels il s'est parfois enfermé.
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