Sur dvdclassik.com, Erick Maurel écrit:
Reginald Le Borg est un cinéaste d’origine autrichienne. Il a commencé par étudier la musique avec Arnold Schoenberg puis il est parti faire des études en France à la Sorbonne, avant de travailler à la mise en scène de spectacles musicaux en Allemagne dans les années 20 aux côtés de Max Reinhardt. Autant dire que le cinéma n’était pas sa vocation première. Il ne s’en cachera d’ailleurs jamais, disant avoir tourné uniquement pour gagner sa vie et non par passion pour son métier. A Hollywood, il commence par superviser les scènes d’opéras incluses dans les films de la Fox et de la Paramount avant de devenir réalisateur de seconde équipe à la MGM. Une fois passé à la Universal, on lui confie tout d’abord la réalisation de nombreux courts métrages musicaux avant qu’il ne se spécialise surtout dans le fantastique (Le Fantôme de la Momie - The Mummy’s Ghost) ou le film d’aventures de série Z (la série des Joe Palooka). Il réalisera cinq westerns dont ce Wyoming Mail (Dangereuse mission) qui sera son premier essai dans le genre. « Je n'ai jamais fait attention à ce que je tournais » disait le cinéaste avec une grande lucidité ; en effet, le western qui nous concerne ici vient malheureusement nous le confirmer. Et pourtant le pitch de départ s’avérait pour le moins alléchant.
Il n'est pas évident d’essayer de rendre claire une histoire qui a priori aurait dû être limpide mais s’avère emberlificotée comme ce n’est pas permis, faute à un scénario mal construit et mal écrit au cours duquel plus on avance et plus on a du mal à savoir qui est qui et à comprendre les motivations des uns et des autres. Certains pourront croire que c’est fait exprès mais je n’en crois rien ; il s’agit simplement d’un scénario écrit en deux temps trois mouvements et qui de ce fait est devenu inutilement compliqué. C'est d'autant plus dommage que le thème du train comme transport postal n'avait fait l'objet que de très peu de westerns et qu'il était intéressant de voir comment son choix pouvait être compromis, comment il pouvait fonctionner et quels problèmes il pouvait rencontrer. Pourquoi ce gang souhaite-t-il empêcher la voie ferrée d'être le nouveau vecteur de transport du courrier, après les échecs successifs du Pony Express et de la diligence ? Nous n'en saurons pas grand chose non plus. Ce n'est plus seulement décevant mais frustrant d'être laissé ainsi sur la brèche par des auteurs paraissant s'être moqués comme d'une guigne de leur intrigue. Il y avait aussi des idées très sympathiques comme le repaire "troglodyte" des brigands dans une grotte à flanc de falaise que l'on atteint en montant par des échelles posées à différents paliers successifs. Malheureusement, le décor aussi est très mal exploité par la mise en scène de Reginald LeBorg d'une totale indigence. Il en est de même pour les séquences de prison qui auraient pu apporter un attrait et une tension supplémentaires mais qui, devant la pauvreté du budget, s'avèrent aussi ternes que le reste.
Que nous reste-t-il pour étancher notre soif de série B trépidante comme la Universal savait si bien les produire ? Exceptée la sculpturale Alexis Smith (que l'on avait plus l'habitude de rencontrer au sein des productions de la Warner) qui nous octroie quelques sympathiques chansons (mais déjà entendues ailleurs) et des dialogues assez piquants lors de sa rencontre avec le personnage interprété par Stephen McNally, il n'y a pas grand chose ! La musique du total inconnu Harry Lubin est insipide au possible, l'interprétation d'ensemble guère enthousiasmante ; McNally n'était décidément pas un acteur au fort charisme et, mal dirigé, il s'avère médiocre et ne peut en aucun cas rehausser le niveau d'un film. Aucunes étincelles non plus de la part des seconds rôles ; et pourtant, on pouvait espérer plus de la part d'Ed Begley, James Arness, Richard Egan, Howard Da Silva ou Richard Jaeckel. Il aurait fallu un producteur chevronné tels, pour en rester aux spécialistes de la série B chez Universal, Leonard Goldstein ou Aaron Rosenberg, pour insuffler un peu plus de vie aux équipes techniques et artistiques. Malheureusement Aubrey Schenck n'avait visiblement pas la carrure pour prendre tout cela en main, et le résultat est on ne peut plus mollasson. Résultat : un mauvais film de divertissement, mal écrit, mal rythmé, mal interprété et réalisé sans idées ni vigueur. Autant dire qu'on peut facilement faire l'impasse sur ce Wyoming Mail, hormis les aficionados acharnés.