Toi aussi tu te sens troublé(e) en voyant ce film ? C'est normal, il y a de quoi.
Einer est très beau. Une robe, une perruque, un peu de maquillage et Lili éclot, magnifique également.
Avec quelle élégance et quelle folie Einer se laisse progressivement submergé(e) par sa vraie nature. Torturé(e) par ce mal-être, cette "maladie" de se sentir femme dans un corps d'homme, comme emprisonné(e).
Avec quelle angoisse il(elle) vit dans un monde inapte à recevoir et percevoir l'essence de cette confusion. L'époque lui décerne le titre d'instable, voire de schizophrène, et l'on sait que la médecine n'était pas tendre de ce point de vue là dans les années 20.
Avec quel courage Gerda, sa femme, le(la) soutient quoi qu'il advienne dans l'accomplissement de sa personne. Son amour est tel, qu'elle met de côté ses émotions pour l'aider.
D'un côté esthétique, chaque scène pourrait faire le sujet d'un tableau. Cela tombe bien, les deux protagonistes sont peintres. L'un paysagiste impressionniste, fixé sur un lieu, une image. L'autre, portraitiste expressionniste, dont son art est sublimé par l'arrivée de Lili.
Une scène particulièrement touchante est celle où Einer paye une prostituée à mater dans une cabine, afin de copier chacun de ses mouvements pour se les approprier, et ainsi investir une gestuelle purement féminine. Sur une musique classique, la caméra fait des mises au point sur l'un et sur l'autre dans le but de pouvoir jongler entre ces deux personnes, si éloignées et pourtant si proches.
Einer n'en peut plus, Lili veut à tout prix exister. Quel tragédie que de subir cette dualité sexuée.
Ce film est magnifique, retournant, attendrissant, choquant (?) et je passe le monticule d'émotions qu'il peut nous faire éprouver.