Après l'immense ratage qu'était Les Misérables, Tom Hooper revient avec The Danish Girl que l'on espère, et c'est légitime, plus proche du portrait humain comme l'était Le Discours d'un Roi.
Malheureusement The Danish Girl s'avère être un film très laborieux qui pourtant partait sur une base solide. Loin de la mise en scène dégueulasse et ultra kitch des Misérables le film s'ouvre sur un fjord danois, une jolie métaphore de la nature belle et pourtant dure, à l'image de cette femme coincée dans le corps d'un homme. La première partie du film fonctionne plutôt bien en utilisant ce schéma là. La découverte de la féminité du personnage passe par des séquences empreintes de symbolisme absent de toute outrance visuelle, qui confère au film un certain cachet. Il s'agit d'un film formellement beau c'est vrai.
La relation entre les deux protagonistes principaux fonctionne elle aussi très bien, à l'image du couple dans Laurence Anyways de Xavier Dolan ou de Une Nouvelle Amie de François Ozon, Hooper parvient à faire ressortir la passion qui unit les deux êtres sans omettre pour autant toute la question de l'acceptation de l'autre et de son désir. D'autant plus qu'Alicia Vikander confère au film une vraie énergie qu'elle contraste avec une extrême délicatesse. Jusque là tout va bien, certaines scènes sont même assez fascinantes en terme de poésie, notamment lorsque Einar regarde son corps nu devant le miroir, avec cette peau claire qu'il apprécie et ses traits fins, mais aussi ces attributs masculins qu'il ne supporte plus.
Seulement le film ne fonctionne plus dès lors qu'Einar et Gerda se rendent à Paris. Commence à cet instant un long chemin de croix qui durera jusqu'à la fin du long-métrage, le rendant laborieux là où jusqu'alors c'était la délicatesse qui servait la narration. The Danish Girl se transforme en une grosse caricature sur le thème du genre, une caricature qui pour séduire le grand public va s'attacher à ne mettre en avant que les éléments dramatiques de cette transformation, comme si le film ne pouvait toucher que de cette manière. On peut tout à fait traiter ce sujet avec plus de légèreté et rester dans les standards d'un film grand public, si l'on revient un peu sur Laurence Anyways, dont The Danish Girl est finalement un peu l'anti-thèse, on constate que tout ce qui touche à la transformation physique du personnage et à sa nouvelle vie est en quelques sortes vécu comme une fête, une célébration à cette nouvelle vie qui commence, et cela fonctionne tout aussi bien.
En soi l'idée de The Danish Girl de vouloir jouer sur la corde dramatique n'est pas fondamentalement mauvaise, le problème c'est qu'il n'y a plus que cela. Le film reste prudent et sérieux malgré tout, il met un point d'honneur à signifier que toutes les personnes transgenres ne sont pas homosexuelles et c'est très bien. C'est véritablement le développement de ce parcours qui peine à captiver tant il sort sans cesse les violons, faisant du film une caricature assez indigeste dans laquelle Eddie Redmayne, la bouche grimaçante et les yeux écarquillés, tente de traduire le mal-être du personnage.
Il y avait pourtant la substance dramatique suffisante dans le film pour jouer sur cet aspect là, notamment l'évolution de la relation entre Gerda et Einar, lorsque l'épouse accepte de perdre son mari pour sauver la femme qu'il a toujours voulu être. Hooper ne choisit pas d'opérer sur ce côté-ci et c'est dommage.
The Danish Girl avait toutes les bonnes cartes de son côté pour devenir un film percutant et grand public sur le genre, mais Tom Hooper s'il parvient durant la première partie à allier discours humain et poésie visuelle, se plante complètement dès lors que les choses sérieuses s'apprêtent à commencer. Dommage ...