Tom Hooper réalise ici un nouvel opus satiné et dramatique après le très récompensé Le Discours d'un roi réalisé en 2011 et l'oubliable Les Misérables réalisé l'année suivante. On retrouve pourtant dans The Danish Girl le même soin porté au décorum, une photographie éminemment académique et son goût pour l'alternance entre décors bourgeois boursouflés d'art, de tentures et de lumières et les décors romantiques aux murs décrépis. The Danish Girl partage également avec Le Discours d'un roi un choix de casting particulièrement intelligent et sensible, Alicia Vikander donnant ici l'une de ses meilleures performances.
The Danish Girl est l'histoire de Lili Elbe, artiste peintre danoise des années 30 et pionnière du changement de sexe ayant tenu un journal durant sa transformation médicale ; journal ayant servi de base à un roman américain de David Ebershoff (2000) adapté ici au cinéma par Tom Hooper. Mais qui est au juste cette « Danish girl » à qui l'on fait allusion ?
Si la lutte de Lili pour obtenir son véritable corps fait d'elle le personnage central de cette histoire, le parcours de Gerda Wegener, sa femme, prend tout autant de place dans cette adaptation et permet de poser un doute. De même, bien que l'interprétation tragique d'Eddie Redmayne soit douloureuse et sensible au possible, elle tient difficilement sur la longueur - la faute à un scénario trop étiré, faisant se répéter ad nauseam son personnage sur les mêmes sujets - tandis que celle d'Alicia Vikander trouve ici plus de matière pour s'épanouir. Aussi, l'empathie est-elle sans doute plus facile pour ce personnage, avec qui le spectateur pourra partager les incertitudes face à un être qu'elle n'est plus capable d'identifier, pour la seule raison qu'elle ne l'a jamais véritablement connu, et qu'en dépit de tout elle aimera toujours. Le point de vue sur cette histoire semble ainsi principalement passer par le filtre de Gerda, à quelques exceptions près, qui ne nous éclairent jamais vraiment sur le vécu réel et les sentiments de Lili, son personnage nous restant alors étrangement opaque.
C'est pourquoi on pourrait se demander si The Danish Girl est seulement le récit d'une transformation, vue au travers des yeux de Gerda, d'un avènement vécu par Lili ou bien si c'est celui d'un couple se défaisant petit à petit. Le film, dans son ensemble, raconte bien plus cette dernière histoire qu'il ne nous parle d'un transsexuel en quête de son corps, faisant ainsi peut-être de celui-ci un bel objet passant à côté de son sujet.
Si Laurence Anyways (2012) faisait de l'histoire d'un transgenre un prétexte pour une démarche artistique, Tom Hooper réalise lui dans l'académisme le plus pur celle d'un transsexuel. En effet, Xavier Dolan se distinguait encore dans sa volonté de faire œuvre, de jouer avec nos références et admettait parfaitement avoir des ambitions esthétiques. Ici, si Tom Hooper non plus ne manque pas d'ambitions, sa mise en scène illustre davantage point par point un scénario qu'elle ne le transforme vraiment. Le ciel de jupon, les jeux de miroir, de mimétisme, ou encore les encadrements répétés à l'infini par les toiles, les portes ou les moulures sont d'une réelle beauté voire d'une grande sensibilité, à l'image de cette scène où Eddie Redmayne se rend dans un peep show parisien pour observer une prostituée et afin d'en reconstituer chacun de ses gestes, comme s'il pouvait enfin toucher à l'essence féminine de son propre corps. Pourtant, ces images ne font que se succéder et exemplifier un élément, elles participent sans doute à l'atmosphère générale du film et parviennent à reproduire le sentiment d'enfermement, le désir de transparence voire de fusion entre les corps, mais elles ne réussissent jamais à émouvoir au-delà. C'est comme s'il manquait à The Danish Girl ce qui en ferait un objet véritablement unique.
caesonia1
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le 27 mars 2016

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