Ce film noir emprunte un chemin inhabituel en misant l'essentiel sur la démarche personnelle d'une femme (interprétée par Ann Sheridan). L'investigation doit apporter des prises de conscience, voire de petites révélations biographiques ; c'est dans une toute petite mesure qu'elle doit éclairer l'affaire policière. Ces détours ne sont toutefois pas aussi ambitieux que ceux de Kiss Me Deadly (quintessence du genre mais excentré), voluptueux et enclin aux fantaisies, non borné aux états d'âmes.
Woman on the run est le portrait reconstitué d'un absent – un témoin en fuite, malgré son innocence et la menace pesant sur lui. Pas de flash-back pour servir ce dessein, seulement des dialogues (abondants mais très 'carrés') et des confrontations neuves. Ce qu'évite le disparu volontaire n'est pas clair. Sa femme découvre les hommes et les lieux qui font le quotidien de son mari, dont elle était habituée à ne rien savoir. Aujourd'hui elle révise leur passé commun et la perception que chacun entretenait de l'autre.
C'est à voir pour la qualité d'écriture, les personnages solides, le tournage dans les rues de San Francisco. Ce petit-budget aux attitudes précieuses a davantage d'humour en réserve que de séquences chocs. Il y aura quelques scènes de polar conventionnelles et un final à la fête foraine très hitchcockien. La mise en scène cultive une certaine anxiété et rappelle Orson Welles, la folie des grandeurs en moins (et ça fait beaucoup). Les déambulations existentielles priment sur le polar, celui-ci inspire l'ambiance et le grand mobile en surface. Ce scénario non embrouillé et transparent, ce psychologisme cru, renvoient à Siodmak, en tout cas à ses opus dégagés comme The Dark Mirror.
https://zogarok.wordpress.com/2017/02/09/dans-lombre-de-san-francisco/