Dans la maison par Zéro Janvier
J’ai découvert François Ozon en 2001 avec son film « 8 femmes », un film étonnant et divertissant avec un casting de rêve. Souvenez-vous : Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Fanny Ardant et Danielle Darrieux – sans oublier Virginie Ledoyen, Firmine Richard et Ludivine Sagnier – réunies dans le même film, c’était un sacré événement, je me demande même si un autre film français a déjà réuni autant de « grands noms » à l’affiche. Depuis « 8 femmes » donc, j’ai pris l’habitude d’aller voir au cinéma et/ou d’acheter en DVD presque tous les films de François Ozon ; de son premier long-métrage Sitcom sorti en 1998 jusqu’à aujourd’hui, je crois que je les ai tous vus, sauf bizarrement Angel, mais c’est un oubli que j’ai bien l’intention de rattraper un jour. Tous ces films ne sont pas mémorables, cela va du tout juste moyen « 5×2″ au très bon « Potiche », en passant par le troublant « Ricky » et l’émouvant « Le refuge ».
« Dans la maison », le dernier en date, est sorti il y a une dizaine de jours et j’avais décidé d’inaugurer ce week-end ma nouvelle carte UGC Illimité tout juste reçue pour le découvrir. J’avais un bon pressentiment avant d’aller le voir : la bande-annonce était prometteuse et surtout, le synopsis m’a tout de suite interpelé :
"Un garçon de 16 ans s’immisce dans la maison d’un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l’enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d’événements incontrôlables."
Le thème avait tout pour me plaire mais c’était là tout le piège : quand on s’attaque ainsi à un sujet qui m’intéresse autant, ça passe ou ça casse, je peux facilement passer de l’espoir à une grande déception. C’est donc avec un mélange d’impatience et d’appréhension que j’ai assisté aux premières minutes du film. Le doute a cependant vite disparu pour laisser place à une certaine excitation : ce film allait être une réussite, c’était presque certain, et il ne restait qu’une question : était-ce un chef d’oeuvre, un de ces films inoubliables qui m’ont marqué à vie ? Un nouveau Billy Elliot ou The Dark Knight ? Difficile à dire, à chaud. J’ai beaucoup aimé ce film, c’est indiscutable ; je n’ai pas vu le temps passé, je n’ai pas regardé l’heure une seule fois pendant la séance – un exploit rarissime pour moi. Le temps dira si ce film laissera une trace ineffaçable dans mon esprit.
Quoi qu’il en soit, c’est un excellent film. D’abord grâce aux deux acteurs principaux : Fabrice Luchini est très bon, crédible et drôle dans le rôle Germain, un professeur de français aigri. Il fait du Luchini sans trop en faire, parfois à l’extrême limite de la caricature et de l’auto-parodie, mais toujours juste. Quant à Ernst Umhauer, il est tout simplement parfait dans son interprétation de Claude, l’élève-écrivain : au-delà de son séduisant minois, il incarne à merveille l’adolescent tour à tour charmant, touchant, charmeur, et inquiétant – parfois tout cela à la fois. C’est pour moi la jolie découverte de ce film. Les autres acteurs remplissent bien leur « contrat » : Kristin Scott Thomas est crédible dans le rôle de la femme de Fabrice Luchini, Bastien Ughetto l’est encore plus dans celui de Raphaël, l’ami « normal et sympathique » de Claude, et Emmanuelle Seignier est touchante dans son interprétation de la mère (au foyer) de Raphaël. Seul Denis Ménochet m’a moins marqué, sans doute parce que son personnage du père de Raphaël m’a moins interessé.
Les personnages ne font pas tout, même s’ils sont essentiels à l’histoire. L’autre force du film, c’est son scénario. J’ai été tout de suite pris par le récit de ce professeur blasé et son élève talentueux mais trouble. J’ai suivi avec passion les histoires dans l’histoire. Au fur et à mesure du film, les situations gagnent en intensité, le banal devient romanesque et pendant la dernière demie-heure la frontière entre le réel et la fiction devient difficile à discerner : quelles parties du récit de Claude se sont vraiment déroulées et lesquelles sortent-elles uniquement de son imagination ? François Ozon a fait un travail délicat sur l’écriture, la fiction, le réel et l’imaginaire : c’est certainement ce qui m’a plu le plus dans ce film. Dans ce cadre, la dernière scène est pour moi magnifique : elle conclut parfaitement le récit à la fois en réunissant les deux protagonistes principaux, l’écrivain raté et le jeune prometteur, et en nous plaçant à la place de l’écrivain face à une page blanche, dans un mur de possibilités.