Une maison est un lieu d'intimité, dans lequel tu peux laisser en sécurité tes trésors, tes bonheurs et tes secrets. Une maison résume la personnalité de chacun et garde en ses murs beaucoup de choses qui n'appartiennent qu'à une personne. C'est un peu une confidente inconsciente. C'est pour cela que les cambriolages sont vécus comme des traumatismes car on a l'impression de se faire voler beaucoup plus que des biens matériels.
Il est des amis qu'il ne vaut mieux pas avoir. Le pire, ce sont les envieux. Pas ceux qui t'imitent pour devenir comme toi, non, eux sont dans l'ensemble inoffensifs. Mais les envieux, les vrais, ceux qui veulent avoir ta vie, ceux qui veulent être toi plus que te ressembler simplement, sont les plus dangereux. Ce sont eux, les véritables cambrioleurs...
Rapidement, si on fait un résumé du film, on dira qu'un prof et son élève s'immiscent dans la vie d'une famille lambda à travers les rédactions du jeune homme. Or, les rédactions sont de plus en plus précises et dérangeantes.
Oui, cela dérange, parce que nous lisons également ces rédactions. Nous sommes le prof, nous sommes l'élève, nous sommes cambrioleurs malgré nous. Nous sommes voyeurs, le terme est lâché. Car oui, Ozon joue là-dessus et l'a plutôt bien compris ; le spectateur est voyeur certes, mais comment le lui faire comprendre? Il nous intègre dans une spirale infernale. Quand tu mets le doigt dans le pot de confiture, tu ne t'arrêtes et tu y mets la main, jusqu'à finir le pot, et en rouvrir un autre etc. Le personnage de Luchini est dans cette optique. Il ne peut s'empêcher de regarder cette famille par le trou de la serrure, de cette porte dont seul le jeune Claude a la clé.
Claude Garcia, le bon copain, la gueule d'ange, le Jean-Baptiste Maunier de la rédaction, le talent à l'état pur selon les dires de son prof. Autant de termes qu'on pourrait lui prêter. Mais au final, il est impossible de le définir. Il n'est pas fou, ou mal dans sa peau, mais il est pervers. Il se laisse aller au vice, et regarde inlassablement la vie des autres. Mais voilà j'établis une thèse, à vous de la juger vraie ou non :
Je pense que le personnage de Claude n'existe pas. Il n'est que le reflet de chaque couple, le révélateur des conflits intérieurs de chacun. Quand Luchini lui dit de découvrir ses conflits, il ne parle pas à Claude, il parle à lui -même. Claude est un fantôme profondément mauvais. C'est le côté obscur de chaque personnage. La rédaction n'est que l'intermédiaire, le déclic de ces révélations. C'est aussi la seule preuve de la réelle existence de Claude. Mais cela ne suffit pas. Existe-elle vraiment ces rédactions? N'étant lues que par le prof et sa femme, elles sont invisibles aux yeux du monde. Enfin, ma thèse se fonde sur les plans où se mêlent les deux familles, où Claude parle à deux personnages à la fois sans que l'un ne remarque l'autre. Ozon joue sur cette trouvaille pour appuyer le voyeurisme des rédactions. Mais c'est encore plus fort que cela. Ce n'est pas juste de l'espionnage, c'est rentrer dans la vie d'un inconnu.
Tout ceci ne marcherait pas sans la prouesse des acteurs, où Luchini excelle comme d'habitude, et où Ernst Umhauer campe un personnage aussi mystérieux qu'effrayant. Quant à Emmanuelle Seigner, elle est juste désirable comme jamais, où sensuelle malgré elle, elle donne une force émotionnelle au film.
Une oeuvre magistrale, en somme.
A noter tout le symbole du dernier plan qui à lui seul peut résumer l'atmosphère du film.