Cette année-là, l'Education nationale a décidé, dans le lycée-pilote Gustave-Flaubert où le professeur Germain Germain (Fabrice Luchini) enseigne le français, d’imposer l'uniforme dans le but d'effacer les différences sociales. Germain se trouve face à des élèves de 2e peu intéressés par son enseignement et, de retour chez lui, il se désole de leur lamentable niveau devant sa femme Jeanne, directrice d'une galerie d'art moderne (Kristin Scott Thomas). Un seul élève sort de l'ordinaire mais en cours, il se tient curieusement en retrait, au dernier rang de la classe (d'où le titre espagnol de la pièce). Il s’agit de Claude Garcia (Ernst Umhauer).
Comme galop d’essai, le premier devoir que donne M. Germain à ses élèves a pour sujet : "Racontez votre week-end". Ce qu’il obtient en retour de la plupart des élèves est tellement désastreux que, parmi toutes les copies qu’il a à corriger, la seule qui mérite son intérêt est celle de Claude. Celui-ci raconte son week-end passé au domicile d'un de ses camarades, Rafa, avec un talent qui tranche sur le reste de la classe. Il y a cependant, dans le récit qu’il fait de ces quelques heures passées avec cette famille qui n’est pas la sienne, quelque chose qui s’apparente à du voyeurisme. Germain et sa femme, à qui il fait lire la copie, sont à la fois gênés mais en même temps fascinés par ce récit qui se termine par l’énigmatique formule "à suivre".
Face à cet élève poli, doué et différent, Germain reprend goût à l'enseignement, mais la personnalité trouble du jeune homme va entraîner pour lui des conséquences qu’il n’aurait pas imaginées.
Issu d'une famille déshéritée (il vit seul avec son père handicapé, sa mère les ayant quittés), Claude s'est pris de fascination pour une famille qu’il qualifie lui-même dans ses écrits de "normale", celle de son camarade Raphaël (Rafa) Argol. Dès son premier texte, Claude évoque "le parfum de femme de la classe moyenne" qu'exhale Esther (Emmanuelle Seigner), la mère de Rafa. Au fil des épisodes, le jeune homme entre chaque fois un peu plus dans leur intimité, décrivant avec une lucidité confinant à la cruauté cette famille qui l’attire en même temps qu’elle le repousse.
Germain, qui aurait dû rester neutre et ne pas encourager son élève dans une voie que lui-même considère comme malsaine, devient, à travers le regard de l’élève, un voyeur et prend goût à ce jeu pervers et dangereux.
Comme il le fait dans Huit femmes, ou même dans Potiche, Ozon joue avec ses personnages, les plaçant à contre-emploi. Ici, celui qui tire les ficelles, ce n’est pas le professeur mais l’élève et encore celui-ci le fait-il avec une sorte de pureté troublante qui engage à le considérer plus comme une victime que comme un coupable, craignant même, plus on se rapproche de la fin, une issue fatale pour l'un ou l'autre des personnages. Comme dans Huit femmes, le film est construit comme un labyrinthe de miroirs : la vérité apparente des faits cache une situation beaucoup plus complexe qui met le spectateur mal à l’aise. On pense un moment que c’est l’introverti Claude qui est amoureux du sportif Rafa, alors que ce sera Rafa qui, au contraire, lui volera un baiser. Quant à Claude, il n’hésitera pas à faire des avances à Esther, un substitut de sa mère. L’intérêt que porte Germain à son élève est, au début du film sans ambiguïté, mais elle se transforme vite en une affection morbide qui fait croire à ses collègues et à sa hiérarchie qu’il entretient une relation amoureuse avec son élève, ce qui est manifestement faux.
Je m'étais éclaté avec Huit Femmes et Potiche. Ce dernier film m'a paru encore plus réussi. On y ressent la patte d'un vrai metteur en scène, sûr de ses plans et parfaitement écrit et joué.
En tant qu’ancien prof, j’y ai retrouvé certains des sentiments que j’ai pu éprouver dans l’exercice de ce difficile métier : la surprise et la joie que l’on éprouve à découvrir une personnalité qui sort de l’ordinaire, le désir de l’aider à mieux exprimer ce qu’il ressent et à se dégager du carcan… mais aussi la crainte d’établir une relation trop personnelle, sachant qu’elle risque d’être mal interprétée par l’entourage.