Le jump scare est-il devenu un gros mot?
Maman a des phases comme ça. Laisse-lui du temps. Elle a quelques contacts humains ? Quelqu'un vient souvent. Tant mieux. Qui ? Diana. Qu'est-ce que tu as dit ? Elle s'appelle...
le 13 févr. 2021
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- Maman a des phases comme ça. Laisse-lui du temps. Elle a quelques contacts humains ?
- Quelqu'un vient souvent.
- Tant mieux. Qui ?
- Diana.
- Qu'est-ce que tu as dit ?
- Elle s'appelle Diana.
- Je sais ce que tu vis. Maman a fait la même chose avec moi quand mon père est parti. Et je faisais des cauchemars avec Diana. Mais ce n'est rien de plus que des rêves, d'accord ? Parce qu'elle n'existe pas.
Dans le noir, adapté de l'excellent court métrage du même nom, tous deux réalisé par David F. Sandberg avec l'aide de son épouse Lotta Losten (que l'on retrouve dans un rôle secondaire dans ce film et avec qui il a réalisé plusieurs autre court métrage), obtient pour sa première réalisation d'un long métrage un succès notable, puisque avec un petit budget de 4,9 millions de dollars, le film en remporte plus de 150 millions. Un pari financier réussit pour le studio, qui étonnamment d'un point de vue critique laissera un public mitigé. La critique revenant le plus étant : "une utilisation bien trop récurrente du jump scare." Néanmoins, est-ce pour autant un mal ? Ne peut-il simplement pas y avoir de bons jump scare et des mauvais ? Un film d'horreur est-il condamnable simplement parce qu'il utilise des jump scares ? Tant de questions qui finalement me pousse à poser une unique question entourant toutes ces interrogations : "le Jump scare est-il devenu un gros mot ?"
Le jump scare est une technique ancestral utilisé majoritairement dans les films d'horreur pour faire sursauter le spectateur, à partir d'un changement brutal intégré dans une image, appuyé par un son violent fait pour effrayer brutalement le spectateur. Un principe qui autrefois eut son heure de gloire et qui aujourd'hui se trouve largement usé, au point d'obtenir du réchauffé. En gros, les jump scares sont devenus prévisibles, au point de faire perdre leur impact et de lasser le public. Un jump scare n’est efficace que quelques secondes et un film d'horreur digne de ce nom ne peut pas être construit autour d'un instant d’effroi esseulé et éculé. Pour autant, considéré le jump scare comme un élément mort du cinéma est une grossière erreur, car intelligemment employé il peut au contraire s'en trouver renforcé et enrichi. Un film d'horreur doit se construire autour d'une atmosphère par le biais d'un environnement oppressant, malaisant ou austère, capable d'éveiller chez le spectateur une peur profonde sans aucun artifice facile, afin de maintenir une tension ou menace constante et palpable. Dans ces conditions, le jump scare s'en trouve renforcé et ne devient plus un artifice autour duquel le film entier repose, mais un élément venant renforcer des moments de tension extrême, apparaissant comme un petit moment de concrétisation qui perdure sur le long therme grace à la construction atmosphérique du film. Dans le noir se range dans cette catégorie de film, s'avérant être avant tout un véritable exercice de style, par le biais d'une mise en scène efficace et inventive jouant parfaitement avec notre peur primitive du noir, alimenté par l'oppressante bande originale de Benjamin Wallfisch.
David F. Sandberg renoue complètement avec notre peur primale de l'obscurité, une émotion qu'il rend facilement contagieuse via des signaux de peur communs et compris de tous, sous forme de dangers possibles et imaginés tapis dans une obscurité, avec laquelle le cinéaste joue habilement pour mieux laisser notre imagination s'angoisser au moindre petit bruit, ou flottement de l'air. Une ambiance angoissante à 100% réussit. Le noir est le premier acteur du film, devenant bien plus inquiétant encore que la créature y vivant dedans. Une créature du nom de "Diana" symbolisant une nouvelle figure du mal appartenant au royaume des ténèbres, dans lesquelles elle se meut pour mieux hanter les recoins obscurs des divers éléments. Redoutable d’efficacité, elle impose une tension conséquente en plongeant le spectateur dans une peur éprouvante via sa forme difficilement perceptible à cause du noir, l'a rendant diaboliquement malfaisante et malsaine avec ses longs doigts fourchus. L'erreur du cinéaste sera de nous présenter Diana au grand jour durant la confrontation finale, cela met fin au sentiment de terreur absolue d'être confronté à une chose que l'on ne peut ni percevoir, ni décrire. L'imagination est le meilleur des alliées de la peur.
- Laisse-moi dormir chez toi. Juste pour une nuit.
- Alors là, bonne chance, mon gars.
- En fait, je ne crois pas que ça te plairait trop chez moi. J'ai des porters glauques, un peu flippants, au mur.
- J'ai besoin de dormir.
Sa courte durée de vie de 1h21 (générique inclus) favorise un rythme soutenu qui va droit au but sans aucun temps mort, ni autres scènes de remplissage futile. L'histoire est rapidement expliquée sans pour autant négliger l'essentiel, se servant intelligemment des rebondissements pour développer le récit, la psychologie des personnages, ainsi que le mystère entourant Diana. L'originalité de la relation liant l'entité diabolique à Sophie la mère de famille, est efficace, prenant des allures de traumatisme macabre et de harcèlement morbide au travers d'une histoire familiale sur le deuil et l'abandon. Néanmoins, à avancer vite, le récit vient inévitablement à soulever quelques questions (heureusement non primordiales au bon développement de l'intrigue) auxquelles il faudra nous-mêmes imaginer ou supposer les réponses, faute de les avoir. Il est malgré tout à saluer l'originalité du scénario qui ne tombe pas dans le cliché de la possession qui inévitablement doit se terminer par un exorcisme. Ici, les personnages doivent se débrouiller par leur propre moyen pour stopper Diana.
L’angoisse nous prend dès les premières secondes, présentant d'emblée l'essentiel de l'horreur qui nous attend à travers une scène d'ouverture efficace, qui rend directement hommage au court-métrage original. Les rebondissements sont nombreux et effrayants, présentés à travers des séquences inventives favorisant la tension ainsi que le sentiment d'insécurité, qui jusqu'à la fin du film (voire même après) nous quitte plus. Le final tient ses promesses, ni bâcler, ni trop rapide. Lorsque le film se termine, on reprend une bonne bouchée d'air frais, de liberté et de contentement d'être enfin sortie de cette ambiance anxiogène. Car "Dans le noir" en a fait cauchemarder plus d'un et continuera de le faire, en provoquant de la détresse ainsi que de l'effroi chez le spectateur. Après visionnage, les lumières ont dû rester allumer plus longtemps que prévu chez certains. C'est malheureusement devenue si rare de voir un film d'horreur qui : "après visionnage", vous laisse dans une position de malaise et de danger même chez vous, que cela ajoute d'autant plus d'intérêt à l'existence de cette oeuvre, symbolisant le talent horrifique de David F. Sandberg.
Les acteurs font le boulot, en incarnant des personnages sympathiques. L'héroïne de cette pièce horrifique : "Rebecca", est incarnée par une actrice que j'apprécie: Teresa Palmer. La comédienne offre un rôle de femme forte appréciable, au caractère bien trempé, qui n'hésite pas à aller au contact dans les moments effrayants. Alexander DiPersia dans le rôle de Bret, le petit copain, m'a amusé. La grosse surprise vient essentiellement avec l'actrice Maria Bello sous les traits de Sophie, la maman dépressive. Comme à son habitude, la comédienne est convaincante dans les rôles dépressifs comme on a déjà pu le constater dans les excellents films : Prisonners et A. History of violence. Gabriel Bateman en tant que Martin est convaincant, il transmet efficacement la peur par le biais de son regard terrorisé. Les petites apparitions de Billy Burke et Lotta Losten lors de la séquence d'ouverture sont appréciables. Enfin, la comédienne Alicia Vela-Bailey dans le corps de l'entité diabolique Diana, fait bien flipper. Même si l'on doit avant tout cet exploit à la mise en scène efficace du cinéaste.
CONCLUSION :
Le réalisateur David F. Sandberg dépeint efficacement l'essence même d'un film d'épouvante, en créant une réelle immersion dans un décor propice à l'effroi, qui ne se contente pas de livrer un simple film faisant sursauter, mais au contraire une ambiance anxiogène amenant une structure solide captivant sous forme de tragédie familiale. Avant les jump scares, c'est avant tout un excellent travail d'atmosphère oppressant que nous présente le cinéaste avec Dans le noir.
Une pièce inquiétante de premier choix, capable de faire dresser tous les poils du corps.
- Quoi ?
- Tu peux nous parler de Diana ?
- De quoi parles-tu ?
- De ton amie. Diana. Martin m'a dit qu'elle était là il y a une heure.
- Oui. C'est mon amie.
- C'est elle, Diana ? C'est elle ?
- Où as-tu trouvé ça ?
- Réponds à ma question.
- Toi, réponds à la mienne.
- Tu as rencontré Diana à Mulberry Hill, où tu étais soignée pour dépression. C'est exact ?
- Quelle importance ?
- Réponds.
- Quelle importance quand on s'est rencontrées ?
- Parce qu'elle est morte. Un an après cette photo.
- C'est un mensonge. Tu dis n'importe quoi.
- C'est la vérité, maman.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2016 et Classement du meilleur au pire des films d'horreur dont j'ai fait une critique
Créée
le 13 févr. 2021
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