J'éprouve une forme d'affection pour le cinéma de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, à l'époque où ils opéraient ensemble sur des films comme Delicatessen ou La cité des enfants perdus. Il aura fallu attendre 13 années avant que le cinéaste ne puisse sortir un long-métrage seul. Véritablement descendu par la presse ou les spectateurs, l'ouvrage propose un film spatial mystique, influencé par Kounen, Jeunet, Scott voire même Kubrick.
L'oeuvre débute comme un conte, avec un "Il était une fois...". L'histoire d'un homme qui arrive, Saint-Georges, et qui rejoint six autres criminels au nom plus métaphoriques que les autres: César, Bouddha, Raspoutine, etc. Saint-Georges qui vient combattre le dragon. Saint-Georges qui ne serait autre que le fils de Dieu. Les symboles sont nombreux pour ce film qui ne présentera quasiment jamais d'action.
Pas de doute dans la forme on est bien chez du Caro, avec différents filtres utilisés, de la même manière que Jeunet. Ce n'est pas toujours utile, mais esthétiquement, ça ne donne pas mal. D'autant que certaines scènes proposent un vrai plus avec une teinte jaune ou verte. Le cinéaste s'essaie à une expérience plus sensorielle, avec une caméra bougeant parfois dans tous les sens, retranscrivant les battements du coeur ou un personnage titubant.
Ce n'est malheureusement pas toujours agréable à supporter, surtout la séquence avant le plan final, à la frontière du psychédélique et qui donne quelque peu mal la tête. Qu'importe Caro essaie, Caro expérimente, il trouve quelque peu sa voie.
On ressent à travers les différents thèmes abordés beaucoup de personnalité chez Caro et aussi d'honnêteté. C'est l'histoire d'une société qui évolue dans les ténèbres et dont le personnage de Saint-Georges va leur apporter la lumière. Il est souvent question d'ombre et de lumière dans ce film. Le plan final peut être interprété de différentes manières. Outre le sujet du retour du messie ou de la spiritualité, le cinéaste s'attaque à une société deshumanisée, asphyxiée par la technologie et la science.
Sur une heure vingt, je trouve que c'est vraiment pas mal de voir un film s'attaquer à autant de sujets et qui tient la route. Dans l'ensemble, je trouve le casting correct, même si on reste dans du frenchie. Par exemple, je trouve l'actrice asiatique à côté de ses pompes. Par contre Wilson n'est pas trop mal. J'ai plus d'attachement pour certains seconds rôles.
Evidemment, sur si peu de temps, le film aurait pu aller encore plus loin en profondeur. Les acteurs auraient pu être meilleurs et les personnages bien plus fouillés (même si ce n'est pas si mal). Il y a aussi un sentiment de claustrophobie bien travaillé, surtout au début, proche de Alien. Au passage, les effets spéciaux sont plutôt réussis.
Caro a de bonnes influences et références. Dommage cet énorme échec pour un film que j'estime très injustement mésestimé et détesté. Ce n'est certainement pas l'oeuvre philosophique du siècle, il y a des erreurs, c'est sûr, mais malgré les nombreuses références, je trouve que Caro trouve sa voie et propose une oeuvre honnête (dans tous les sens du terme). Et puis pour une fois que le cinéma français s'essaie à la science-fiction, ça mériterait un peu plus d'indulgence tant ça nous change des innombrables comédies à la con et drames du même acabit qui sortent tous les mois, en montrant toujours les mêmes acteurs dénués de talent, tout juste bons à faire les guignols.