Big Dario. Le dernier des griots du giallo?

Un doc comme je les aime: plein d'infos même pour débutants comme moi,

mais aussi une vision plus globale pour satisfaire ses connaisseurs...et surtout, ce n'est pas qu'un montage d'anciennes interviews mais il a de vraies interviews nouvelles.

Je le rapprocherais du doc où John Carpenter nous accompagne et fait des visites guidées dans 'Big John'.

Simone Scafidi ne part pas du principe que ce doc ne sera vu que par les nombreux experts de SC en films Giallo mais aussi par des débutants:

• j'ai vu d'autres docs sur Argento mais savais pas (ou avais oublié) que 'Quatre mouches de velours gris' aurait de l'autobiographique... ^^ au point que Dario a choisi un acteur lui ressemblant et une actrice similaire à sa vraie femme.
• je ne trouve pas qu'Argento a raison de dire qu'il ressemble à "Michael Brandon"...il est plutôt un mélange de Murray Head, avec une touche du tueur du 6e sens, Tom Noonan, et avec l'âge, il prend des rondeurs de Pape François...et plus jeune, il parlait en gigotant, quasi dansant d'un pied à l'autre, comme si possédé ou imitant Brad Pitt en asile dans Seven...
• ...Seven qui était d'ailleurs écrit "pour Dario Argento" selon un des interviewés, Vittorio Cecchi Gori: "je lui ai dit...regarde bien, tu apparais au générique..."
• je savais pas (ou avais oublié) que l'histoire du film Grosse Fatigue où un individu se fait passer pour Michel Blanc, est arrivée à Dario Argento. Qu'il aurait été harcelé dans sa vie par femmes et hommes:

_"S'il est un lion sur les tournages, c'est un vrai agneau dans la vraie vie" dit son ami et bras droit, acteur réalisateur Michele Soavi qui joue "elle-même" selon la fiche SC...

• je savais, mais n'avais pas vu ses photos, que la vraie maman de Dario était grande photographe notamment de mode et que le jeune Dario Argento a vu défiler très tôt beaucoup de mannequins et actrices...dont il avait un stock de photos...et Simone Scafidi fait alors un montage frappant entre les personnages féminins de tous ses films et les photos prises par la mère de Dario Argento, Elda Luxardo!
• mon anecdote favorite est qu'un des premiers films qu'il voit sans doute donc trop jeune, où il apprend et découvre les ombres/recoins "les plus sombres de l'âme humaine" est Le fantôme de l'opéra de 1943/1945...pire, ce sont ses parents qui l'ont amené quand ils étaient tous "en vacances"...marqué et traumatisé à vie. James Cameron, Spielberg et Lucas avaient été traumatisés enfant par les tuto d'alerte nucléaire et les infos sur ses horreurs...Dario découvre lui un défiguré par de l'acide vivant dans égouts...ça change des fantômes dans le placard...
• ...enfant, comme mon Paul Verhoeven, il aurait vu des cadavres et des ruines de la Seconde Guerre Mondiale, traumatisantes aussi...
• ...le passage qui m'a le plus ému est quand un journaliste lui demande de vider ses poches et il le refait des décennies plus tard...j'ai aimé qu'en 1976, il arrivait pas à croire que le journaliste lui demande ça, il hésite, on voit que ce n'est pas mis en scène, il hésite , fait allusion à la police...puis je retiens surtout qu'il a deux tickets de cinéma! ...comme un con, ça m'émeut à chaque fois qu'une star, qu'un réalisateur ou des acteurs ...vont au cinéma de la plèbe...Isabelle Huppert, Catherine Deneuve...j'ai aussi vu Patrice Leconte au milieu d'une petite salle pour ...Valerian ^^ ...ici, on apprend que Dario en 1976 est allé voir De Niro dans Le dernier Nabab d'Elia Kazan mais surtout il est retourné voir sur grand écran Monsieur Verdoux, sur le tueur de femmes, mais pas ses ex comme OJ Simpson, mais des riches veuves...un metteur en scène, notamment de tueries de femmes, est allé au cinéma en voir un autre!
• et ce ticket de cinéma pour film sur tueur d'épouses, côtoie dans la poche d'Argento un "poème d'amour de John Donne" qu'il a copié et "commencé à traduire" mais découvre qu'il l'avait aussi annoté d'un des dialogues/répliques de "Monsieur Verdoux"/l'assassin:

_"Le désespoir est le poison qui génère de l'indifférence entre les individus"

• je découvre après grâce à internet que ce poème "d'amour"...de John Donne dont Argento a petit parchemin manuscrit par lui dans sa poche en 1976 et disait être titré "coeur brisé", compare en fait l'amour à une maladie mortelle, dont la Peste, puis à une sorte de zombie ou serpent nous avalant tout cru, (SI j'ai bien compris)...voire aussi à une pique ardente enfoncée dans notre postérieur, pendant qu'on tourne et cuit vivant??!! (non! j'me suis trompé: le poème compare l'amour à un monstre des rivières qui avale les p'tits poissons faibles)...bref que son premier amour lui a fait éclater le coeur en morceaux comme une scène de miroir cassé, bref, ce coeur est désormais un labyrinthe de miroirs à la final de la 'Dame de Shanghai'?...et ce coeur n'aimera plus jamais pareil?...SI j'ai bien compris le poème...je serais curieux de savoir si Argento avait ça dans sa poche pour une idée de renouvellement des vœux de mariage ...puisqu'il dit qu'il était en train "de le traduire":

"Il faut être fou à lier pour prétendre

avoir été amoureux une heure.

Non que l'amour puisse si vite tourner à rien,

mais il peut en achever dix en moindre temps.

Qui me croira si j'avance

que j'ai eu la peste tout un an ?

Qui ne rirait à m'entendre dire

que j'ai vu un baril de poudre brûler tout le jour ?

Bien peu de chose est un cœur

s'il tombe entre les mains de l'amour !

Toutes les autres peines laissent une place

à d'autres peines, et n'en veulent qu'une partie.

Elles viennent à nous, mais l'Amour, lui, nous attire ;

il nous avale, sans prendre la peine de mâcher.

Son feu nourri fauche des régiments entiers ;

il est le Brochet sans pitié, et nous le menu Fretin.

Si ce n'est pas vrai, alors qu'est-il arrivé

à mon cœur, lors de notre première rencontre ?

J'ai apporté un cœur dans la chambre,

mais quand je suis sorti, je n'en avais plus.

S'il était parti chez toi, je sais

qu'il aurait fait la leçon au tien,

qu'il prenne un peu pitié de moi. L'Amour, hélas,

du premier coup l'a brisé en éclats.

Cependant rien ne peut être réduit à rien,

ni aucun endroit être tout à fait vide.

C'est pourquoi je pense que ma poitrine a encore

tous les morceaux, mais irrémédiablement épars.

Et de même que les éclats d'une vitre

multiplient les images, mais amoindries,

les restes de mon cœur peuvent apprécier, désirer, aduler,

mais après cet amour-là, aimer, non. " ('Le coeur brisé', poème par John Donne porté sur lui par Dario Argento)

• mon seul regret, est apprendre qu'il n'aurait plus parlé à sa fille "des années", selon elle, car elle lui aurait fait faux bond pour un film qu'elle devait jouer...elle raconte qu'ils se sont réconciliés...il aurait dû la remercier.
• et d'apprendre que peut-être une des raisons de ma perte de plaisirs à certains (de ses) films est qu'ils ont été censurés, manipulés et adoucis par des contingences budgétaires: Luigi Cozzi raconte qu'à partir de la fin des années 80s, il fallait rembourser l'argent prêté par les télévisions "si le film finit interdit au moins de 12 ans"...