Dark Shadows était à la base une série qui avait fasciné Tim Burton dans sa jeunesse. Du coup, il retourne ici à ses premiers amours après l'échec artistique mais pas monétaire de son Alice. Pour l'anecdote, il faut savoir que la série originelle est un soap opera, oui comme Les Feux de l'Amour, de plus, les monstres n'étaient pas prévus au départ. Le créateur de Dark Shadows, mis au courant de l'annulation de la série, décida de faire un peu le fou-fou avec son show avant la fin et introduit Barnabas le vampire. Un peu comme si le vampire ancêtre de Victor Newman faisait irruption dans Les Feux de l'amour, imaginez le délire. Ce qui n'était pas prévu par contre, c'est que le personnage rencontre une telle popularité au point de sauver la série pour lui permettre de vivre des beaux jours (plus de mille épisodes).
On retrouve cette notion de soap opera dans Dark Shadows, le film. Quelle est le point commun entre tous les soaps opera ? Les personnages couchent tous entre eux et Barnabas se régale dans le film en connaissant des contacts charnels avec pas moins trois personnages féminins. Un sacré petit sanguin, ce Barnabas joué par un Johnny Depp compilant ici toutes les créatures qu'il a incarnées et en y ajoutant un peu de vampirisme old school, comprendre raide comme un piquet, blanc comme si son visage était passé sous Omo (lave plus blanc que blanc, je le rappelle) et tous les artifices qu'il faut. C'est plutôt efficace à défaut d'être original.
La musique de Dark Shadows signée par Danny Elfman, of course, est tout simplement sublime, compilant à merveille l'ambiance 70's. Nul doute que l'OST va avoir un beau succès. Il fallait bien ça pour retrouver la patte Burton (out la déception d'Alice..., très calme au final). Le père Burton s'installe dans un manoir de grande envergure, au style gothique appuyé et réussi, on se régale à le découvrir lors de la première incursion en même temps qu'on découvre les membres de la famille.
Un beau casting avec une Chloë Grace Moretz au top. Elle trouve ici son rôle le plus mémorable depuis sa Hit Girl dans Kick Ass. Une créature féline à la gestuelle envoutante et au caractère ténébreux. A ses côtés, le reste du casting peine à survivre hormis Michelle Pfeiffer et Eva Green mais j'y reviendrais. Helena Bonham Carter est la plus décevante, elle signe ici un remix de son rôle dans Fight Club, décidément elle n'est jamais aussi bonne que quand elle tourne en dehors de la tutelle de son mari. En fait, elle souffre du même syndrome que Johnny Depp avec Tim Burton, quand les trois se retrouvent, ils ne font que proposer la même sauce, encore et encore mais tant que le public sera là...
Johnny Depp débarque un peu après et l'alchimie se rompt. Dark Shadows devient le Johnny Depp's Show encore une fois ce qui est fortement dommageable car l'histoire du reste de la famille semblait prometteur surtout celle de Chloë et Michelle. Au début, on se marre bien quand même en revivant Les Visiteurs à la sauce vampire mais c'est trop court. Heureusement que le meilleur compagnon cinématographique de Tim Burton trouve ici un partenaire à sa hauteur via Eva Green. Cette dernière est tout simplement époustouflante dans le rôle d'une sorcière maléfique et sauve presque le film à elle seule notamment via le magnifique final où Tim Burton semble se réveiller après un interlude long d'une heure.
Car Dark Shadows souffre d'un gros problème, Tim Burton semble vouloir à tout prix mixer ce qu'il avait aimé de la série, ce qui bien sûr est impossible (1 225 épisodes en 1h50, la blague) du coup il condense, condense tellement qu'on a un peu l'impression de voir le best-of d'une série. Les ellipses sont nombreuses toutefois il y en a une hilarante où Barnabas Collins tente de trouver un endroit pour dormir. Aussi les personnages secondaires sont zappés et l'intrigue tourne autour d'une love story que le réalisateur a oublié de montrer, juste quelques plans pour le signaler et basta. Il faut dire que ça ne l'intéresse pas, nous non plus d'ailleurs, c'est juste pour souligner les intentions de Barnabas.
Ce qui l'intéresse par contre, c'est la guerre entre Barnabas et la sorcière incarnée par Eva Green. On peut d'ailleurs avoir une idée du soap opera d'origine, il est en effet pas difficile de voir comme l'intrigue peut se prolonger via cette guerre. Cette bataille entre deux forces de la nature offre quelques bons moments mais demeure tellement puérile qu'il devient difficile de se prendre au jeu : la meuf est amoureuse de lui, lui en aime une autre donc elle se venge en foutant le boxon. Une intrigue purement soap opera donc inintéressante au cinéma.
Donc je disais Dark Shadows souffre d'un problème, à force de vouloir en faire beaucoup, Tim Burton oublie d'insuffler des émotions dans son histoire comme il l'avait fait avec son chef d'œuvre Edward aux mains d'argent. On regarde les évènements mises en boîte à la suite, sans trop s'enthousiasmer, en se faisant un peu chier, il faut dire que l'ensemble est désespérément mou. Le pire avec tout ça, c'est que j'ai même du mal à me rappeler des passages marquants du film mis à part la fin et les deux caméos : Christopher Lee (faire un film gothique sans l'appeler relève de l'insulte) et le magnétique Alice Cooper (on regrette toutefois qu'il ne soit pas là plus longtemps).
On est content de voir que Tim Burton a ENFIN renoué avec l'humour de ses débuts Les blagues ne sont pas mauvaises, elles font beaucoup sourire à défaut de faire rigoler.
Conclusion :
Tim Burton livre un film soap opera sympathique dont vous aurez pratiquement tout oublié le lendemain du visionnage. De quoi passer un bon moment (même si on se fait chier par moments) mais sans plus.