XVIIIème siècle. Barnabas Collins est à la tête de sa famille de riches poissonniers venus d'Angleterre (fondateurs de la ville de Collinsport), il est admiré de tous et la dirige pour le mieux depuis son manoir, Collinwood. Mais sa servante, Angélique, est désespérément éprise de lui, et n'obtient de lui que des faveurs charnelles mais aucun amour en retour. Elle n'a d'angélique que le nom et s'avère être une sorcière, et utilise sa magie noire pour tuer les parents de Barnabas et causer le suicide de sa bien-aimée Josette, avant de le maudire en le transformant en vampire, et le fait enterrer dans les bois.
1972. Maggie Evans (qui préfère se faire appeler Victoria Winters) arrive à Collinwood pour travailler en tant que gouvernante au service d'Elizabeth Collins Stoddard, la descendante de Barnabas. Des ouvriers exhument un cercueil sur un chantier non loin...

J'en garderai vraiment un bon souvenir de cette séance, toutes ces gothiques qui se sont donné rendez-vous telles des vestales vêtues de belles robes noires, venues entretenir la flamme du prince aux cheveux en pétard des contes macabres cinématographiques, et se souciant fort peu de la réputation au demeurant bien ternie de celui-ci (ternie par ses récentes facilités en matière de blockbusters, et par la critique en retour... je vais pas vous faire un dessin vous le savez déjà). Je m'égare.

Un bien curieux mélange que ce Dark Shadows. Un conte gothique ... au beau milieu d'un revival du début des années 70, pour rester dans le contexte de la série télévisée d'origine, dont il s'éloigne énormément paraît-il. C'est un peu comme si Beetlejuice rencontrait Sweeney Todd sur fond de musique bien seventies (parmi les morceaux les plus marquants, "Nights in white Satin" de Moody Blue et "No more Mr nice Guy" d'Alice Cooper, qui s'est fendu d'un caméo en tant que ... lui-même). Johnny Depp joue une fois encore ce qu'il sait faire de mieux : lui-même, le freak burtonien entre Edward (Scissorhands hein, pas l'autre vampire enfardé) pour sa bonté et son manque de repères dans ce monde, et Sweeney Todd pour sa pugnacité, le fait qu'il ait tout perdu et ait été exilé par la faute d'une personne jalouse et son besoin de tuer (il y a un petit paquet de victimes innocentes). S'y ajoute la volonté d'un homme de restaurer la fortune, le bonheur et l'honneur de sa famille, la délivrer de sa malédiction, et retrouver son amour (c'est désuet mais je m'en cogne).

Un très beau plan d'ouverture sur les navires dans la brume évoquant celui de Sweeney Todd, la forêt de la falaise ressemblant encore et toujours à celle de Sleepy Hollow, l'éternel grand manoir poussiéreux (Batman, Edward aux Mains d'Argent), les poissonniers enrichis et à nouveau une Victoria (les Noces funèbres), l'abandon parental (Batman le Défi), les tonalités de Danny Elfman qui répondent toujours présent (très proches de celles des Batman et de Sleepy Hollow, bien qu'un peu moins mémorables, éclipsées qu'elles sont par les tubes seventies...), etc ... Burton reste très ancré dans son univers, même s'il ajoute un vampire à sa palette de héros blafards.

La grivoiserie ancienne rencontre la révolution sexuelle et c'est peut-être là l'un des aspects humoristiques les plus réussis, en plus du comique habituel quand un personnage se retrouve brutalement confronté à une autre époque avec son cortège de valeurs, de moeurs et de technologies toutes autres que celles qu'il a connu. Et la présentation de la famille déglinguée (mention spéciale à Chloë Moretz et Helena Bonham-Carter), c'est classique ça ne mange pas de pain mais ça fait son effet, et c'est un vrai bonheur que de voir Michelle Pfeiffer en matriarche aristocrate ruinée mais stoïque et prompte à l'ironie au milieu de toutes ces épaves, sans oublier la rencontre avec des hippies défoncés tripant à écouter un homme d'un autre siècle leur parler d'amour courtois.

N'était-ce la fin hélas un peu trop expédiée et partant vraiment en sucette, ou l'amour naissant avec Victoria injustement sacrifié en termes de temps à l'écran, voici un conte fantastique et tragique mêlé de comédie noire sans très grandes prétentions et guère novateur dans le genre, j'en ai parfaitement conscience, mais ça ne m'empêche guère de le trouver beau et joyeusement loufoque.

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le 10 mai 2012

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Jackal

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