James Bond, qu'on croyait mort suite à une bavure, doit affronter Raoul Silva, un ancien agent psychotique du MI6 qui a juré de se venger d'une trahison de M en lançant des attaques informatiques de grande ampleur, qui mettent sur la sellette l'efficacité et l'avenir même de l'agence d'espionnage britannique.
"Quantum of Solace" avait laissé un goût d'inachevé, la faute à la barre trop haute placée dès "Casino Royale", la malchance, la précipitation et à une accumulation de défauts plus ou moins graves et de choix pas toujours très pertinents, mais comme toujours les producteurs de la saga ont su y faire pour remettre l'éternel agent de Sa Majesté sur de bons rails pour fêter dignement les 50 ans de "Docteur No" (et pas de Bond lui-même, il est né en 1953 sous la plume de Ian Fleming, mais comme toujours le cinéma marque mieux les esprits).
Une cinématographie irréprochable (mes félicitations à Sam Mendes et à Roger Deakins, le directeur de la photo), le générique et la chanson d'Adele (renvoyant à l'âge d'or de Shirley Bassey) écrasent ceux de "Quantum" haut la main, il n'y a plus guère de poursuites/bastons illisibles filmées à la caméra épileptique, Mendes laisse les spectateurs respirer et se fait plaisir avec des vues sur les toits d'Istanbul, sur Londres, Shanghai et Macao pendant l'année du dragon, ainsi qu'une île déserte/ville fantôme (où l'on a droit à l'improbable "BOUM!" de Charles Trenet), et pour finir l'Ecosse sous une chape de gel... Une telle splendeur visuelle c'était pour le moins inattendu.
Des bagatelles appréciables pour les fans sont disséminées ça et là pour relancer la machine à nostalgie des premiers films de manière nettement plus subtile et digne que dans "Meurs un autre jour", même si pour moi ça n'a jamais eu une très grande importance.
J'ai quand même de sérieux doutes sur le bien-fondé d'un tel retour à une ancienne formule (à la fin) comme pour signifier une défaite partielle de la volonté d'innovation initiée par Casino Royale, mais puisqu'il doit en être ainsi... La dose de punchlines a été augmentée pour le toujours impeccable Daniel Craig, à vous de voir si elles vous font sourire ou non.
Tout un tas de bonnes idées sont notables, en vrac : Ralph Fiennes en vétéran du conflit d'Irlande du Nord et intermédiaire lucide entre la bureaucratie ministérielle obsédée par le culte du résultat et un MI6 plus proche de la réalité du terrain, le retour de Q (Ben Whishaw) en génie de l'informatique beaucoup plus jeune et moins farfelu que ses prédécesseurs inventeurs de gadgets mais tout aussi sarcastique qu'eux, la remise en cause même du MI6 par un Etat qui préfère se chercher des boucs émissaires dans son propre camp en cas de crise terroriste majeure au lieu d'aller au fond du problème, M et Bond qui voient leur efficacité également remise en question (l'une pour son grand âge, l'autre pour son aptitude physique chancelante suite à sa "mort" et son alcoolisme) et qui auront à coeur de ne pas se laisser faire chacun à leur façon, et ce avec une grande bravoure toute britannique.
Adieu l'énigmatique organisation Quantum et son âme damnée Mr White, ce sera peut-être pour une autre fois. La teinte et la coupe de cheveux de Javier Bardem n'enlèvent pas grand-chose à la présence du sinistre ennemi qu'il incarne, un psychopathe peroxydé à mi-chemin entre son Anton Chigurh dans "No Country for Old Men" et le Joker de "The Dark Knight", jovial et très joueur, un brin mégalo (pourquoi faire évacuer une île entière à son profit seul ou monter un assassinat inutile? parce que...) et amateur de plans complexes là où des simples suffiraient (allez comprendre...), en tout cas plus mémorable que Dominic Greene de "Quantum of Solace", et beaucoup plus investi dans l'action que lui et Le Chiffre de "Casino Royale". Pas très novateur en vérité mais un adversaire formidable tout de même.
Séverine (Bérénice Marlohe), la femme du moment, est assez cruellement bazardée, le film n'a pas de grands enjeux liés à elle, c'est plutôt dommage, surtout au vu de sa première rencontre avec Bond à Macao, tout à fait délectable.
Un final à la fort Alamo en Ecosse étonnant de beauté et de simplicité, qui verra la destruction de l'ennemi supérieur en nombre et en armement à la bonne vieille dynamite, au fusil de chasse et par un glorieux brasier au butane (sans oublier la vénérable Aston Martin DB5, qui en a encore dans le ventre), ainsi qu'un retour vite expédié à des sources jamais explorées (où à peine évoquées) jusque là en ce qui concerne le passé du héros orphelin et surtout ses liens avec celle qui, au fond, a été sa mère de substitution dès Goldeneye mais particulièrement depuis Casino Royale : la M incarnée par Dame Judi Dench.
Un seul cinéaste avait réussi à me faire pleurer avec un dénouement filmique il y a trois ans de cela, et curieusement c'était déjà Sam Mendes...
James Bond will never die.
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