Il ne nous manquait plus que ça : voilà que ce bon vieux Bond se met à faire dans le post-moderne : à lui les délices de la mise en abyme et de la métafiction ! Ce n'est d'ailleurs surement pas un hasard si pour une fois le réalisateur n'est pas un illustre inconnu : à 50 ans, forcément, on se met à réfléchir sur sa vie, son passé, et il est grand temps de se payer une rolex si on ne veut pas être suspecté d'avoir raté son entrée dans la maturité.
Dès le début du film (après une course poursuite encore plus folle que toutes les ouvertures précédentes) les choses nous sont clairement dites : si les héros sont fatigués, s'ils s'essoufflent, il faut les tuer. Quitte à les ressusciter, pour repartir sur de nouvelles bases. Changer pour que rien ne change, on connaît la chanson. Ici, elle nous est chantée sur fond d'effondrement : tout s'écroule, s'encastre, déraille, explose. Les méchants vivent dans des ruines, les gentils ne se nourissent plus que de regrets. Les fantômes règnent en maitre sur un monde nocturne où tout n'est que reflet. Il n'y a plus rien, plus personne à sauver.
Et comme un refrain, vaguement monotone quand même, revient la même idée : Bond est vieux. Son visage est meurtri, affaissé, son corps est rouillé. Ses blagues tournent dans le vide, ses gestes tiennent plus du réflexe que de la pure combativité. Et comme tous les vieux, il radote, il se réfugie dans son passé, il regrette. C'était mieux avant ! On dirait que demain est un pari qui semble fatiguer d'avance 007 - et ses scénaristes - alors à la place, voilà qu'ils se piquent de penser. Comme si l'action ne se suffisait plus à elle même : il faut derrière des intentions. Avec cette histoire de vengeance (pas très originale) aux accents tragiques passablement plombants, c'est sur un bien triste constat que se conclut le 23e volet de la série : désormais tout se paye, notre époque n'a qu'un ennemi, le gratuit.