Mensonges d'une nuit d'été
Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des pièces pirandellienes) : ici, selon moi, trois personnes mentent, un quatrième finit par raconter la vraie version (bon, en omettant son vol), et chacun arrange la réalité par intérêt (pour ne pas passer pour lâche, pour volage ou pour voleur).
Non, ce qui ne laisse pas de m'impressionner c'est la façon qu'à Kurosawa de filmer la nature : quoi que les hommes racontent, c'est elle la plus forte. La pluie, la sueur, le soleil dans les feuilles, le vent : pour moi l'enjeu du film est là. Et si on part de l'idée que le paysan raconte la vraie histoire, il est notable que sa version des faits est la plus crue : plus de musique, un combat ridicule et interminable, des combattants épuisés qui halètent. Le plan de ce que regarde Mifune avant de répondre à l'accusation portée contre lui (un nuage qui cache le soleil) en dit plus que tout son discours, et la façon dont le mort s'exprime par la bouche d'une médium est beaucoup plus forte que ce qu'il a à raconter. C'est d'ailleurs un des très rares films japonais de procès, et il est étonnant de remarquer qu'on ne voit ni n'entend jamais les juges : l'interprétation de la réalité est du côté du mystère, les faits, eux, ont une violence brute contre laquelle les hommes n'ont aucun pouvoir, sinon de dire n'importe quoi.