Years and tears
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le 26 févr. 2020
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Les Etats-Unis forment une nation suffisamment riche, puissante et multiple pour nourrir en son sein les deux dragons qui seront en mesure de s’affronter. C’est ainsi que ce vaste pays pourra porter simultanément le grand groupe d’industrie chimique inventeur et exploiteur du Téflon et la grande machine cinématographique qui entreprendra d’achever de porter au grand jour et de dénoncer les graves dommages dont ces industriels se sont rendus coupables, en polluant profondément l’eau et les sols, et en causant ainsi la mort non seulement d’animaux mais aussi d’êtres humains. Et tout ceci sciemment, en diligentant des enquêtes qui établissaient cette toxicité mais qui se trouvaient à leur tour aussitôt enfouies, afin que la responsabilité pénale du groupe DuPont ne puisse se voir officiellement établie, avec les réparations financières qui auraient découlé de cette reconnaissance des faits.
Une duplicité qui s’illustre, en abîme, dans le film lui-même, puisque le grand groupement d’avocats auquel appartient Robert Bilott était initialement spécialisé dans la défense des grands groupes industriels, mais permettra et soutiendra l’investigation de celui qui s’opposera toutefois à ces groupes et dénoncera leurs actions criminelles.
Même mélange et intrication, cette fois entre le réel et le cinématographique, puisque c’est Mark Ruffalo lui-même, ici interprète superbement engagé de Rob Bilott, qui vint trouver Todd Haynes avec un article de journal consacré à son futur personnage pour convaincre le réalisateur de le prendre pour objet de son prochain film. Un réel qui n’est jamais congédié puisque cette instruction d’un procès qui en rappelle d’autres, tout proches et bien réels, inclut dans son casting quelques personnages secondaires qui jouent leur propre rôle. Sans oublier les lieux du tournage, également survolés dans une dernière séquence glaçante, et qui sont ceux-là mêmes sur lesquels de grands groupes chimiques intensément pollueurs ont implanté leurs usines.
Avec une efficacité remarquable, sur un rythme d’enquête policière sous-tendue par une tension de thriller, le réalisateur américain accompagne ainsi l’enquête conduite par Robert Bilott, qui aboutira à la mise en cause du grand groupe industriel DuPont et à l’établissement de ses responsabilités à la fois écologiques et humaines. La performance de Mark Ruffalo est impressionnante, entre détermination froide, légaliste, et jusqu’au-boutisme pouvant presque conduire à l’auto-immolation, lorsque l’avocat prend conscience de la démesure et de l'extension du monstre auquel il s’attaque.
Les rôles secondaires, depuis l’épouse aussi attentive qu’anxieuse incarnée par Anne Hathaway jusqu’au fermier qui donne l’alerte, Wilbur Tennant, campé à la fois massivement et subtilement par Bill Camp, soutiennent l’architecture de ce film en forme de démonstration progressant sur un rythme implacable vers l’établissement de la vérité. La superbe photographie d’Edward Lachman immerge le spectateur dans un chromatisme bleuté qui rejoint le titre et - entre lent mouvement plongeant, au début du film, le long d’un gratte-ciel, et lente remontée, à la fin, vers les nues - achève de donner au spectateur l’impression d’une descente en apnée vers les zones inexplorées de l’industrie puissante et muette.
Une immersion qui aboutira à des révélations dont une bonne part était déjà connue, mais de cette connaissance trop volontiers enfouie, parce que trop inconfortable, insupportable. Ce huitième long-métrage de Todd Haynes a le mérite de nous faire partager les combats de l’homme qui a permis l’accès à ces savoirs et de nous rendre ainsi sensibles à ces connaissances arrachées à leur abstraction. Une source d’espoir, donc, la prise de conscience et l’enracinement de la connaissance constituant un préliminaire indispensable à toute action, toute réaction...
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le 29 févr. 2020
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