Darkon
Darkon

Documentaire de Luke Meyer et Andrew Neel (2006)

"I’ve always felt like I was kind of born out of time"

Je découvre au travers de Darkon un monde que je connaissais très peu et très mal : le LARP, ou "live action role-playing game", soit une activité rassemblant des dizaines voire des centaines de personnes pour s'adonner à un jeu de rôle grandeur nature, en costumes, incarnant des personnages issus d'un univers donné, avec des interactions et des actions physiques bien établies et dans une histoire scénarisée. Luke Meyer et Andrew Neel s'intéressent à ces performances dans la nature (des passages sans doute un peu trop longs à mon goût, même si on peut éprouver une certaine fascination en voyant tous ces gens simuler très sérieusement de grandes batailles épiques avec des armes en mousse) mais donnent surtout la parole à différents intervenants pour comprendre les mécanismes à l'œuvre, les règles, les attentes des uns et des autres, et bien sûr tous les phénomènes qui surviennent en conséquence, comme une micro enquête sociologique en immersion dans cette population.


Honnêtement pendant un long moment il est difficile, dès lors que l'on n'est pas connaisseur, de savoir s'il s'agit d'une vaste blague potache avec une mise en scène de type mockumentary ou bien s'il s'agit d'un phénomène tout à fait réel... De fait, on regarde le contenu avec un vrai intérêt pour comprendre ce qui anime ces gens et surtout le fonctionnement quand même particulièrement élaboré de ce jeu. Il y a la partie émergée de l'iceberg, c'est-à-dire toutes les règles explicites ainsi que les comportements visibles, qui se traduisent par des attitudes particulières pendant les batailles — par exemple quand ils se lattent la gueule, ils précisent la couleur de leur arme (selon une classification pré-établie) pour que l'autre sache quel type de blessure il encourt en cas de coup subi. Du bon délire de gros nerd passionné et jusqu'au-boutiste, en résumé.


Et après il y a tout le reste avec de jolis portraits qui racontent d'autres histoires sous-jacentes, notamment sur ce que les uns viennent chercher (et le trouvent ou non) et ce que les autres en tirent (professionnellement par exemple, en matière d'assurance et d'organisation). C'est très drôle de voir ces passionnés raconter tranquillement leurs activités, passer des journées entières à confectionner des objets et discuter de stratégie... Le tout sans que les réalisateurs ne se moquent un seul instant de leurs sujets, zéro distance ironique de ce point de vue-là. C'est en toute sincérité que l'on voit ces gens discuter et jouer une sorte de reconstitution de guerre civile en mode médiéval, après avoir passé des heures à se renseigner sur l'art de la guerre à l'aide de reportages sur des conflits réels (Irak à l'époque) et autres fictions du Moyen Âge. Et avec une myriade de déclarations tonitruantes du genre "I’ve always felt like I was kind of born out of time" ou "playing Keldar helped me become the man I wanted to be", sans que le documentaire ne se fasse trop sérieux, à l’aide de nombreux petits détails illustrant le décalage au détour de certaines séquences, une horde de chevaliers déambulant alors qu’un jogger passe avec des écouteurs dans les oreilles, ou encore les entraînements ultra sérieux au combat avec diverses armes, parents comme enfants.


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Morrinson
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le 17 juin 2024

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