Quand Yash Chopra a cherché un acteur pour camper le rôle du psychopathe Rahul, il a essuyé refus sur refus, les acteurs craignant d’entacher leur image. Il s’est alors résigné à proposer le rôle à SRK, encore très peu connu, sur la suggestion de son fils Adi. Pour SRK c’était une formidable opportunité, Yash Chopra étant l’un des plus grands réalisateurs indiens. Il n’est pas passé à côté de la chance qui lui était offerte. De son côté, le réalisateur n’a pas regretté ce choix par défaut. Il a ensuite témoigné du total investissement de l’acteur, prêt à rejouer des scènes autant de fois qu’il le lui demandait. Il a comparé son degré d’implication à celui d’une autre grande star du cinéma indien : Amitabh Bachchan.
Dans Darr, SRK joue le rôle d’un homme profondément déséquilibré, obsédé par Kiran, une jeune femme qu’il harcèle de ses déclarations d’amour et qu’il poursuit jusque chez elle. Pour unique confident, il a sa mère, à qui il téléphone. Sauf… que sa mère est morte… Ou bien il parle à la photo immense de Kiran qui orne son mur. SRK se révèle être un excellent acteur. Il est proprement effrayant au milieu de son délire. Si Kiran vit dans la peur des coups de fils et de la présence de son harceleur, Sunil, son fiancé n’a pas de quoi être tranquille non plus, Rahul l’ayant menacé de mort. Cette peur est présente dans le titre lui-même qui est le sens du terme hindi Darr. La violence va crescendo d’abord psychologique, elle devient physique lors de l’affrontement final.
La chanson "Tu es à moi Kiran" ne cesse de revenir tout au long du film exprimant en musique l'obsession de Rahul. Les paroles sont sans équivoques. Rahul a fait mentalement de Kiran sa chose et il est prêt à tout pour la posséder qu'elle le veuille ou non. Son esprit est complètement confus, il est persuadé que Kiran est possédée par son fiancé Sunil et qu’il doit la délivrer.
Sur le plateau SRK était mal à l’aise avec les personnes présentes dont beaucoup étaient des personnalités reconnues dans le métier. Il s’est lié d’amitié avec Adi sans savoir qu’il s’agissait du propre fils du réalisateur. Les deux jeunes hommes échangeaient beaucoup ensemble. SRK lui partageaient ses idées sur son rôle et la façon dont il percevait son personnage. Parmi ces idées, SRK a eu l’idée de faire bégayer Rahul et Adi lui a suggéré de le faire uniquement en prononçant le prénom de Kiran. Le résultat est efficace, d’autant que SRK le fait sans excès, avec juste ce qu’il faut pour créer le malaise. Parfois c’est Adi qui proposait une idée et il envoyait SRK en parler à son père car celui-ci aurait refusé s’il lui en avait parlé lui-même. Ainsi le film a évolué en parallèle grâce à cette implication des deux complices.
Le rôle de Kiran est assuré par la ravissante Juhi Chawla que SRK retrouvera dans de nombreux films (Ram Jaane ; Ishq ; Duplicate ; Phir Bhi Dil Hai Hindustani ; One 2 ka 4).
Darr arrive à instaurer un climat angoissant sans renoncer aux séquences dansées si chères aux films indiens. Le film comporte également des séquences romantiques « clichées » comme les scènes tournées en Suisse que Yash Chopra avait remis au goût du jour. On y voit, entre autres, Kiran et Sunil y passer leur lune de miel et courir dans les prairies fleuries ! Mais bon, on peut passer par-dessus, après tout, un fameux épisode de Star Wars a bien fait la même chose !
Daar et Baazigar ont été tournés simultanément. Ils sont sortis à un mois de distance. Dans les deux films SRK tient le rôle principal et dans les deux cas il s’agit de anti héros. Accepter ces deux rôles était une sorte de suicide professionnel selon les conventions de Bollywood. Si l’audience le rejetait, la carrière de SRK aurait été brisée avant même d’avoir pris son envol. Mais cela n’a pas été le cas, Daar rencontra le succès et vint ainsi confirmer la confiance que SRK avait placé dans la qualité de son travail. L’acteur expliqua ainsi sa réussite :
Je n’ai pas le physique traditionnel d’une star, je n’ai pas l’attitude d’une star, je n’ai pas le soutien pour être une star, la façon de jouer d’une star, je n’ai pas joué des rôles traditionnels de star, donc je dois avoir quelque chose en plus, j’ose croire que c’est le travail acharné et l’engagement.