N'en déplaise à ses détracteurs, Brian De Palma est l'un des réalisateurs les plus virtuoses de tous les temps. Une filmographie certes inégale, où le plus fou côtoie la calamité, mais toujours cette envie de respecter à la virgule près les préceptes de son maître Alfred Hitchcock, tout en s'amusant à repousser les limites de sa caméra de film en film.
Gros avantage : De Palma n'a pas sa langue dans sa poche. Faut dire qu'avec 50 ans de carrière, le tout Hollywood qui est passé sur ses plateaux de tournage et le statut de réalisateur culte, il n'a plus besoin de faire bonne figure. Grosse faiblesse : cette grande gueule, Brian n'aime pas trop l'ouvrir. En interview, en général, et ici aussi : s'il n'est pas avare d'anecdotes, De Palma ne s'épanche hélas que trop peu sur sa conception de la mise en scène, sur l'écriture de scénario, la direction d'acteur, bref tout ce qui fait le sel de son oeuvre. Oui, quelques infos de ci de là, quelques allusions à sa méthode, mais rien de foisonnant, en tout cas en comparaison de son demi-siècle de métier.
Faut dire que le format n'aide pas. Chose curieuse de la part d'un cinéaste comme Baumbach (je ne connais pas Paltrow), le documentaire est d'une platitude visuelle et narrative déstabilisante. Réaliser un film sur un artiste est un exercice très difficile, j'en suis plus que conscient, mais quand on a un monstre pareil devant la caméra, on ne peut pas se contenter d'une longue interview en plan fixe, d'extraits de films et d'une approche chronologique expéditive de la filmographie de l'homme (environ 5 minutes par film). Là où De Palma a passé sa vie à réfléchir comment mettre en scène ses thèmes, ses obsessions, sa propre vie, sans jamais perdre de vue ce qu'est le cinéma (l'art du mouvement par excellence), Baumbach et Paltrow ne prennent quant à eux aucun risque et font l'exact opposé. Comme si l'aura du maître en imposait trop à ceux qui veulent la saisir.
C'est dommage car tout était là. Le terreau est riche, le personnage bigger than life, son cinéma regorge de pistes de réflexions, mais rien ne décolle jamais pour de bon, et ce qui aurait pu être le documentaire ultime sur Brian De Palma finit par s'apparenter à une interview express type Konbini : sympa, rigolote, avec seulement quelques secondes de réflexion poussée. Reste une jolie porte d'accès au cinéaste pour ceux qui ne le connaissent pas ou peu, et un recueil d'anecdotes à placer lors d'une soirée entre cinéphiles. Un résultat bien maigre et forcément décevant.