En ce moment je regarde beaucoup de documentaires, particulièrement sur le cinéma, et de tous ceux que j’ai pu voir à ce jour, celui-ci est de loin celui qui a dû coûter le moins cher : il est uniquement constitué d’une très longue interview de Brian De Palma qui a dû être filmée en un après-midi, et illustrée de photos et d’extraits de films. A la fin on a 3 plans de lui qui marche dans la rue, et voilà.
Si on excepte la durée du documentaire, ça aurait très bien pu être un bonus DVD.
"De Palma" revient sur l’intégralité de la filmographie du cinéaste éponyme, mais je regrette que, contrairement à d’excellents films-fleuves tels qu’Electric boogaloo qui parlait de la société Cannon de ses débuts à sa faillite, on n’ait pas une diversité de témoignages et de points de vue pour compléter les propos du principal intéressé.
Des fois des phrases pas tellement pertinentes sont laissées au montage, alors qu’il manque pleins d’infos pour recontextualiser tel ou tel projet, et pas même une voix-off ne vient boucher les trous.
On passe très vite sur certaines réalisations, alors que ce documentaire dure quand même 1h49 ; et comme on n’entend que la voix de Brian De Palma tout du long, et que seul son débit de paroles rythme l’ensemble, on finit par s’ennuyer un peu.
Le docu n’est pas dénué d’intérêt pour autant.
Il y a des anecdotes que je ne connaissais pas jusque là : la séquence des escaliers dans Les incorruptibles a été improvisée parce que Mamet ne voulait plus écrire après la suppression d’une poursuite en train pour des raisons budgétaires, Sean Penn a débarqué sur L’impasse avec sa coupe de cheveux frisée sans prévenir personne (et je trouve que ça colle super bien à son personnage vicelard), le fait que l’ado dans Dressed to kill soit une référence au fait que De Palma ait suivi et photographié son père trompant sa mère, …
Mais à part quelques allusions, on reste assez à l’écart de la vie personnelle de Brian, une fois passée l’intro. Il évoque ses épouses qui se sont succédées quand c’est en lien direct avec un de ses films, mais on ne creuse pas la question, quand bien même la dernière phrase du docu c’est un "ma femme c’est le cinéma, ce n’est pas toi" qui sort de nulle part du coup.
L’interviewé se permet quelques phrases qui, dans la bouche d’un autre, feraient prétentieux : il se compare vite fait à Orson Welles ou Hitchcock (évidemment), parle d’erreurs dans d’autres adaptations de Carrie que lui a réussi à éviter, … mais ça passe parce qu’il le dit avec naturel et sans l’arrogance insupportable d’un Winding Refn. Et de toute façon, la qualité de son œuvre le lui permet.
En fait De Palma donne l’impression de simplement parler avec franchise, ce qui transparaît dans d’autres de ses propos.
Il est honnête quand à ses inspirations, ses créations qui lui déplaisent, des choix qu’il regrette, … Comme des concessions sur Le bûcher des vanités, ou son arrivée sur Mission to mars alors qu’il n’était pas le réalisateur prévu à la base et qu’une équipe était déjà constituée.
C’est une œuvre qu’il a essayer de faire fonctionner, mais aujourd’hui il se demande "Am I really enjoying this, is that what I want to be doing ?". C’est hallucinant qu’un cinéaste aussi éminent ait, lui aussi, ce genre de questionnements qui le tourmentent et, même après être devenu bankable, ait eu à accepter du boulot dont il n’avait pas vraiment envie.
(un peu comme, je sais pas, genre, un jeune monteur vidéo obligé de bosser sur des films institutionnels, par exemple… ahaha, aha… ah)
Et à l’écouter, tous ses grands films ont été mal reçus à un moment ou un autre, que ce soit par le studio, le public, ou la commission de classification ; mais ils ont été sauvé par une critique positive, le nombre d’entrées, un succès à l’étranger, ou une reconsidération au fil des années.
C’est aussi surprenant d’apprendre que pour nombreux de ses films, Brian De Palma pensait d’abord à une idée visuelle forte, et a fait en sorte de construire le film autour.
C’est une démarche qui, chez pleins d’autres cinéastes, devrait donner des films de merde. Mais pas avec lui.
Bon par contre, il fallait s’en douter, De Palma n’a pas de recul par rapport à ses derniers films, pour lesquels il trouve des excuses pour expliquer leur mauvaise réception.
Et dire que je me suis forcé à regardé deux (bon, une et demie) de ces purges avant de m’autoriser à voir ce docu… D’ailleurs ce qui est bête, c’est qu’on y spoile la fin de plusieurs films, même quand ce n’est pas requis pour illustrer le propos…
"De Palma" est loin d’être le meilleur docu qu’on aurait pu faire sur le cinéaste, ou parmi les meilleurs docus sur le cinéma (virez-le moi de ce top SC, svp), et franchement je crois que j’aurai bientôt oublié la majorité des anecdotes… mais à défaut de mieux, ça reste à voir pour les fans.
Ah si, je retiendrai un truc pendant longtemps je pense : "Holy mackerel" !