Robert Blake, psychopathe en germe ?
C'est lui qui m'a traumatisé durant toute ma jeunesse, m'obligeant parfois à me réveiller en sueur en pleine nuit, à enfouir intégralement ma tête sous des couches épaisses de draps, et ce même par des soirées caniculaires d'été.
Robert Blake, et plus particulièrement son personnage de fantôme, voire d'extraterrestre du Lost Highway de David Lynch. Hôte terrifiant et omniscient....
Sa bouille crayeuse, ses yeux exorbités, son sourire macabre, sa voix susurrante m'ont marqué à tout jamais.
Cette scène irréelle où à mesure que son ombre se rapproche d'un Bill Pullman intimidé, la musique de Barry Adamson peu à peu disparaît, emportant avec elle la foule environnante jusque là rassurante :
http://www.youtube.com/watch?v=vZLQW2qr5Hs
"We've met before, haven't we ?"
Cela restera LA scène qui me hantera encore et toujours, mettez-moi n'importe quel film d'horreur sous les yeux, je rigolerai, jamais ça n'atteindra le tiers du quart du centième de la terreur que m'inspire Robert Blake.
Richard Brooks a donc eu le nez creux en l'engageant pour tenir l'un des deux rôles principaux de l'adaptation du roman de Truman Capote basé lui-même sur une effroyable histoire vraie de "natural born killers" des 60's.
Blake tient là le rôle d'un voyou aussi candide et rêveur (presque infantilisé, avec notamment des traumas d'enfance qui resurgissent dans des magnifiques scènes mêlant réalité et fantasme) que complètement dérangé et potentiellement psychopathe. Au passage , comme s'il était lui-même déjà prédestiné, Blake rejoignait à son tour la sordide case des faits-divers en flinguant sa femme dans un restaurant au début des années 2000...
De sang froid est donc un chef d'oeuvre du film noir (et du roman, même si je ne l'ai pas lu), et Robert Blake explose l'écran, écrase de son charisme son partenaire interprété par Scott Wilson (qui ne s'en sort pas mal du tout dans un registre différent), et les deux forment un duo de voyous sans limite.
Le montage est totalement maîtrisé, hyper étudié, les ellipses astucieuses : ainsi ne pas voir dans un premier temps le carnage d'une famille par les deux anti-héros, permet à l'enquête policière d'exister et d'être passionnante, et inquiétante, et parallèlement de suivre la suite des aventures d'un duo qu'on soupçonne sans certitude absolue.
Surtout, ils continuent de vivre de péripéties presque bon enfant et de petits larcins gentillets(ils volent en s'aidant de chèques en blanc), veulent récupérer le trésor de l'Eldorado (et une belle référence au trésor de la sierra madre, à humphrey Bogart, film où Blake jouait déjà comme enfant star!).
Loin, loin de la terreur qui finalement sera dévoilée plus tardivement : le carnage de la famille en miroir avec l'arrestation des tueurs et leur condamnation à mort.
Le coup de génie du film, c'est qu'il n'est pas un banal, chiant et bateau réquisitoire contre la peine de mort, comme on peut en voir tant.
Le massacre de la famille par les deux comparses, et la longue attente des tueurs dans le couloir de la mort sont mis strictement sur le même plan, les deux sont tout aussi tragiques, suffocants, horribles et forment un reflet proprement effrayant d'une société complètement malade et absurde.
D'abord le massacre familial est consciencieux, sans état d'âme, injustifié, car il ne s'agissait finalement que de voler un peu d'argent sur le fondement d'un tuyau erroné qui indiquait que la famille possédait un coffre caché qui en réalité n'existe pas.
D'autre part, la peine de mort, ritualisée, codifiée, froide, l'attente année après année, appel après appel, et l'ultime monologue de Blake, et son visage enfantin qui s'éveille, presque innocent, inconscient, qui a peur, qui veut retirer sa combinaison un instant pour pouvoir faire ses besoins qui soudainement le pressent, avant d'être pendu, et disparaître dans la nuit.
Un film choc.