Deadgirl par Cramazouk Hu Premier
Deadgirl (de Marcel Sarmiento et Gadi Harel) navigue entre de nombreux genres ; Teenage Movie et film de zombie notamment. Il aborde également donc la nécrophilie mais traite aussi du féminisme via la figure de la femme objet (sexuel).
Deux lycéens partent en escapade dans un hôpital désaffecté et découvrent dans ses sous-sols une jeune femme dénudée et enchainée.
L'un des deux va décider d'en faire son esclave sexuel lorsqu'il découvrira qu'elle semble mort-vivante.
En parallèle, l'autre jeune homme est amoureux d'une fille depuis l'enfance, mais cette dernière est la petite amie d'un des sportifs du lycée.
Le film appartient au genre du Teenage Movie (genre typiquement américain) car il met en scène deux personnage non populaires en proie à une frustration amoureuse, les jolies filles du lycée (les pom pom girls), étant plutôt en couple avec les jolis hommes (les footballers typiquement). Rickie a vécu une histoire amoureuse enfantine avec cette fille populaire qui aujourd'hui a tout naturellement oublié cette amourette puérile. Lui est resté littéralement bloqué sur cette histoire sur laquelle il fantasme, voyant en la demoiselle sa promise.
L'autre garçon, JT, assume totalement son sort de rejeté et décide d'oublier l'idée de devenir une personne "comme les autres". Il choisit de vivre sa sexualité avec cette créature qui ne peut pas mourir, mais qui ne s'exprime pas non plus autrement que par des accès de rage (Elle essaie juste de mordre son violeur lorsqu'il arrive à portée de mâchoire). On en conclut donc (ce n'est pas explicite) qu'elle est une sorte de zombie.
Les enjeux du film sont très nombreux, et il serait assez long de les énumérer et de les analyser. Je vais donc plutôt me concentrer sur les différences avec Kissed, un autre film que j'ai critiqué et vu à la même époque.
Ici, pas de jolis corps et d'érotisme, la "créature" est repoussante, cadavérique, malgré son corps aux courbes parfaites. Elle est salle, couverte de blessures, pourrissante. Elle n'est pas réellement morte comme dans Nekromantik ou Kissed, mais on peut néanmoins assimiler ces séquences de viols à de la nécrophilie, le corps sexualisé respirant clairement la mort, et étant quasiment immobile.
Lorsque JT "lui fait l'amour", aucune grâce, la nécrophilie ou même la simple sexualité est montrée dans sa plus extrême sobriété, dans le sens où les plans sont plutôt fixes, presque assimilables à des plans de film documentaire.
Le film a été bien entendu qualifié d'horrible et misogyne, montrant en effet une femme en tant que simple objet sexuel, mais la perversité des violeurs est claire, et la victime y est aussi agresseur.
Deadgirl malgré son emprunt à plusieurs genres est original dans chacun. Ici le héros romantique est clairement montré comme fautif et non pas comme une victime. Il reste bloqué psychologiquement dans une histoire d'amour qui n'a plus de sens après l'adolescence, et s'enferme dans une frustration destructive. Malgré le fait que les sportifs et les filles populaires restent des abrutis, ils ne sont pas pour autant responsables de l'état psychologique de Rickie.
Le thème du zombie est également original. Montrer le zombie comme une victime ne l'est pas (depuis Romero), mais ici l'humanité du mort-vivant est encore plus visible (spoiler: elle va fuir ses agresseurs plutôt que de rester pour les dévorer).
Deadgirl est bien plus audacieux, riche et intéressant que Kissed, mais on est encore loin de la crasse et la violence visuelle de Nekromantik. Mais je vous le conseille si vous aimez ce cinéma qui ne cherche aucunement à faire plaisir au grand public mais plutôt à explorer des sujets tabous avec justesse et brio.
On remarquera la bande-son clairement inspirée de celle de Donnie Darko, qui lui aussi naviguait entre plusieurs genres (teenage movie et science-fiction notamment). On en concluera ce qu'on voudra sur les intentions des réalisateurs...