Un seul film Marvel en 2024 ? Dans tout le Multivers, cette simple interrogation pouvait passer comme une hérésie il y a encore quelques années. Et, pourtant, après les gros coups de mou représentés par "Ant-Man & The Wasp: Quantumania" et "The Marvels" au box-office (évidemment, on pourrait y ajouter la baisse qualitative de certains films depuis l'ère des Pierres d'Infinité, sans parler des séries), le MCU a décidé de consacrer son énergie cette année à un unique long-métrage au cinéma, chargé de faire saliver et remettre en marche ses habituelles légions de spectateurs vers les salles: "Deadpool & Wolverine".


Eh ouais, rien que ça, l'entrée de Deadpool prêt à ruer dans les brancards des Avengers était déjà un petit événement en soi, mais il aura donc fallu que ce violent et bavard briseur de quatrième mur vienne le faire en compagnie du plus célèbre des X-Men du grand écran, comme une cerise sur le gâteau de la bromance entretenue par Ryan Reynolds et Hugh Jackman sur les réseaux sociaux depuis des années.


Avec un univers manifestement encore en pleine recherche d'un second souffle, il y avait tout à craindre d'une possible transformation de Deadpool en une version plus aseptisée pour correspondre aux canons axés très grand public du MCU ou même du retour de trop pour Wolverine, parti au sommet d'un "Logan" resté au firmament des meilleurs films de super-héros. Mais non, même si "Deadpool & Wolverine" ne marque en aucun cas un vrai renouveau des films Marvel, l'amour sincère et la fidélité (jamais pris en défaut) portés par Ryan Reynolds à ce qui est devenu son personnage emblématique ont clairement balayé toute potentielle tentative de Kevin Feige de le changer un tant soit peu. Et c'est donc bien celui des deux premiers films qui déboule dans le MCU, avec toute sa verve, ses clins d'oeil au public, son ton pensé comme politiquement incorrect et ses découpages de membres humains au katana dès les premières minutes très amusantes de ce troisième film condensant à peu près toutes ces qualités (avec encore une fois un très bon générique d'ouverture pour les mettre en exergue notamment).


Bon, ce n'est certes pas du côté de son intrigue basique que "Deadpool & Wolverine" emporte la mise, la quête de Wade Wilson afin de sauver son monde (et peut-être reconquérir une énième fois le cœur de sa bien-aimée) va puiser ici et là des éléments multiversels du MCU pour avant tout amener son trublion rouge et noir à jubiler à l'idée de faire enfin partie de cette grosse machinerie multi-franchises (avec des pics complices à l'adresse de Disney, rien de vraiment subversif bien sûr mais certains font tout de même mouche avec malice) et faire la bringue avec son collègue griffu, les quelques éléments chargés de contrecarrer leur route ne seront jamais assez mis en valeur pour s'imposer durablement (c'est particulièrement dommage pour une excellente Emma Corrin en Cassandra Nova dont on ne retiendra au final que la mise en scène de ses impressionnants pouvoirs, ainsi que Matthew "Succession" MacFayden qui a l'air de s'éclater en sous-chef du TVA) et auront quasiment toujours la valeur de prétextes juste bons à mettre en avant la relation du duo iconique.


Car, couplé au ton désormais on peut plus familier des "Deadpool", le lien façon buddy-movie entre un grognon et un bavard va bien entendu faire toutes les étincelles d'adamantium de la rencontre entre Deadpool et Wolverine. Non content de déterrer et de profaner l'image de celui parti avec "Logan" (et rire des appréhensions des spectateurs sur ce point), l'ami Deadpool va tout simplement jouer le rôle du grand fan du X-Men que nous sommes tous avec son flux de répliques incontrôlables et poussant dans ses derniers retranchements ce variant déprimé en quête de rédemption (il a le poids de la tragédie de son monde sur son large dos) pour le meilleur de la bagarre jouissive et d'un effet miroir de héros cabossés sur lequel fusent leurs "je t'aime, moi non plus".

La construction de leur relation a beau laisser entrevoir les grossiers contours de ses étapes, le film est bien LEUR film, emmené par deux acteurs clairement heureux en permanence de se croiser dans ces costumes et de récompenser le public en se montrant à la hauteur de ses espérances que pouvait représenter une telle rencontre au sommet. Et puis, mince, au-delà des sourires, ces deux-là arrivent même à insuffler une jolie vague d'émotion, surtout dans les derniers moments du film (peu importe qu'elle repose sur des ressorts faciles), là où bon nombre de récents opus du MCU en manquait cruellement, on commençait à désespérer de revoir ça un jour ! Rien que pour ça, merci à vous, Ryan & Hugh.


Enfin, si l'on présageait évidemment que le long-métrage se moque ouvertement des super-héros laissés-pour-compte de la Fox grâce à de multiples caméos (et il y en a énormément, en compagnie de têtes connues du MCU qui plus est), il faut bien dire que l'on ne s'attendait pas à ce qu'il prenne la forme d'une telle déclaration d'amour et d'adieu à leur égard. L'humour accompagne les surprises qui en découlent mais, grâce à une de ses plus astucieuses idées scénaristiques, "Deadpool & Wolverine" va réussir à incarner littéralement ce vrai bel hommage à ces gloires écrasées (ou toujours pas pour quelques-unes) par le rouleur-compresseur du MCU. Alors, tout dans l'exécution ne sera pas heureux en ce sens (une certaine bataille qui aurait pu être folle si, qualitativement parlant, Shawn Levy ne se montrait pas si aléatoire derrière sa caméra) mais le film parvient aussi à toucher par ce regard reconnaissant qu'il porte sur ce passé détruit par la guerre des studios. Après tout, beaucoup d'entre nous ont aussi grandi avec ces anciens "variants" (devant des projets parfois plus qu'hasardeux) et, qu'on le veuille ou non, ils ont été les éclaireurs d'une saga leur ouvrant aujourd'hui les portes de son Multivers en vue de poser un genou à terre devant eux.


Derrière toute la légèreté ambiante d'un Deadpool dans la droite lignée de ses deux prédécesseurs en termes de ton (un flot constant de vannes avec le lot de déchets que cela peut impliquer, à apprécier selon l'humour de chacun), le rendez-vous tant attendu entre Wolverine et Deadpool tient donc une bonne partie de ses promesses grâce et avant tout à ses protagonistes principaux, visiblement aussi contents que nous d'être enfin réunis pour se mettre plein de choses tranchantes dans le corps l'un de l'autre et surtout de faire transpirer leur amitié grandissante face à des enjeux peut-être pas à leur hauteur mais qui savent les mettre en valeur.

Et, bon sang, que cela fait du bien de voir un Marvel qui fait plus que bien que le job face aux espoirs qu'il pouvait susciter !

Alors, oui, "Deadpool & Wolverine" ne sera peut-être pas un rebond fondamental en ce qui concerne l'avenir du MCU mais le quota de sourires francs et de griffes ensanglantées est bien rempli pour offrir un divertissement super-héroïque de bonne tenue et doté d'un petit supplément d'âme nostalgique dirigé vers toute une époque du genre aujourd'hui révolue.

RedArrow
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le 26 juil. 2024

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