2017 est clairement l'année où Netflix veut se démarquer avec ses productions cinématographiques. Allouant plus de budget qu'auparavant à ces dernières, il essaye aussi de mettre en lumière des cinéastes intéressants par leurs thématiques ou styles visuels mais qui ne sont pas encore vraiment trop connus du grand public. Adam Wingard qui a déjà une carrière assez conséquente avec pas moins de 9 films au compteur, a toujours eu du mal à rencontrer le succès qu'il soit commercial ou critique. Il a surtout fait parler de lui pour son désormais culte et jubilatoire You're Next mais aussi la suite du Blair Witch Project qui est sortie l'année dernière. Même si son cinéma n'a rien de révolutionnaire, il posait une certaine audace quand à sa manière d'aborder ses films, développant une vraie patte et arrivant à poser des ambiances et des explorations visuelles souvent audacieuse. Son Blair Witch avait beau dénaturer ce qu'était le premier film sur le fond, il arrive par exemple à apporter quelques idées de mise en scène diablement efficaces et inventives.
De quoi être curieux de le voir réaliser une adaptation du manga Death Note, surtout avec le budget et la liberté offerte par Netflix. Même si de prime abord on peut très vite s'agacer de voir que le film tombe dans un whitewashing de son casting alors que des acteurs japonais auraient été plus appropriés mais aussi nécessaire. On y sent l'envie de surfer sur une certaine vibe du cinéma indépendant US, Wingard n'hésitant pas à afficher ses références, on pense notamment à Donnie Darko. Sauf qu'au delà de ses problèmes d'adaptations, car en terme d'adaptation le film est déplorable, le film n'arrive jamais à asseoir ce qu'il tente d'entreprendre et tombe dans un ridicule nanardesque. On ne peut pas juger un film que sous le prisme de l'adaptation, et même si les libertés prises sont plus que douteuse, il aurait été facile de passer outre si Death Note parvenant quand même à tenir la route. Essayant de se donner de l'épaisseur à travers des dialogues beaucoup trop téléphonés, il n'arrive pas à se montrer aussi trouble que les œuvres qu'il cite et surtout saccage sa mythologie en ne sachant jamais comment l'exploiter.
Succinct dans le développement de son univers, inerte dans la caractérisation de ses personnages et surtout incohérent dans sa manière d'instaurer leurs relations et de les faire réagir aux diverses situations. Jamais un personnage dans ce film n'a une réaction crédible à quoique ce soit, hormis le père du protagoniste qui s'impose de loin comme le personnage le plus réussi du film avec Ryuk, même si ce dernier n'est malheureusement relégué qu'au statut de figurant. Willem Dafoe était un choix parfait et arrive à transmettre tout le machiavélisme de son personnage tandis que Shea Whigham apporte une performance nuancée et juste au père du protagoniste. Ce sont les deux seuls qui se tirent un temps soit peu de ce naufrage, les autres acteurs étant juste catastrophiques. Margaret Qualley n'a aucune subtilité et tombe dans les travers stéréotypés de son personnage, Lakeith Stanfield n'est pas crédible une seconde dans sa caricature du geek névrosé et Nat Wolff est probablement le pire acteur de ses 20 dernières années. Sa performance est tellement embarrassante que l'on se demande comment le réalisateur a pu laisser passer ça et elle finit indubitablement à faire plonger le film dans le nanar absolu.
Après les acteurs ne sont pas aussi aidé par une écriture risible qui fait insulte à son public. Soit en étant sur-explicative pour au final ne pas raconter grand chose ou alors en créant des twists là où il n'y en as pas pour ensuite revenir dessus et essayer de "surprendre" son monde en jouant les petits malins. La palme revient à cette fin faussement ouverte qui se veut libre d'interprétation alors qu'elle ne laisse strictement aucune place à la réflexion. Du pur malaise. Même sur la forme de son film, Adam Wingard en fait beaucoup trop. Sur le plan technique par contre celui-ci est impeccable. On sent le budget sur les effets spéciaux aboutis et le tout est englobé par une photographie léchée et qui fait son petit effet mais le film est aussi rythmé par la musique inspirée et efficace d'Atticus Ross et de son frère Leopold. D'ailleurs Wingard impose aussi un sens du divertissement expert dans sa mise en scène, le montage est habile et instaure une énergie communicative à l'ensemble avec quelques passages "d'actions" plutôt bien emballés. Mais il gère très mal l'esthétisme de son film et plonge dans un déballage prétentieux de mouvements de caméra faussement compliqués pour se donner un genre. Jamais ses choix ne sont appuyés par le scénario et apparaissent plus que gratuits. Surtout qu'il a recourt toujours aux mêmes mouvements de caméra circulaires ce qui devient vite un gimmick agaçant. Après il se montre beaucoup plus inspiré lorsqu'il met en scène Ryuk. Le laissant souvent dans le flou ou la pénombre, il lui donne une aura particulièrement mystique et tire avec lui ses meilleurs plans et surtout ses plus intéressants et réfléchis.
Death Note s'apparente plus à une mauvaise blague qu'à un véritable film. Même si les problèmes d'adaptations sont mis de côté, il y a très peu de choses qui tiennent debout dans tout ça. La mise en scène est en demi-teinte entre son efficacité carrée et certains plans inspirés face à un sur-esthétisme redondant et gratuit tandis que le scénario s'impose par sa prétention mal placée, ses incohérences et le ridicule ambiant qu'il véhicule. Surtout qu'à deux exceptions près, le film n'est même pas soutenu par ses acteurs qui jouent l'ensemble de manière encore plus déplorable. Death Note est un film qui instaure le malaise par son ridicule et même si tout n'est pas catastrophique, comme la réalisation technique et le score musical ainsi que deux ou trois idées de mise en scène, il fait souvent les mauvais choix et fait l'erreur de se croire meilleur qu'il n'est réellement. Adam Wingard déçoit ici et le formidable manga qu'est Death Note méritait bien mieux que cette triste adaptation.