Le vigilante movie est-il un genre désuet et / ou passé de mode ?


Au cinéma, en tout cas, il n'y a plus grand chose à se mettre sous la dent : A Vif ? Death Sentence ? Homefront peut être ? Et depuis ?


Difficile en effet de pouvoir accéder à de tels spectacles aujourd'hui, quand ses derniers représentants, et quelques autres périphériques, sont systématiquement condamnés dans des hurlements bien-pensants, dans une alerte faf infamante pour ceux qui, d'aventure, avoueraient tout haut leur attirance.


Au début de cette vague, il y avait Un Justicier dans la Ville, ainsi que son comparse, l'Inspecteur Harry, deux ans plus tôt. Et bizarrement, à l'évocation de ce seul archétype, l'inconscient collectif, dans une mémoire parfois curieuse, fera rejaillir immédiatement non pas Clint Eastwood, mais Charles Bronson. Question de charisme ? De charme ? De gueule ?


En tout cas, à l'heure où Hollywood déterre toujours ses classiques, une fois encore, c'est Death Wish qui ressuscite. On prend les mêmes et on recommence ?


Oui... Et non.


Car ce Death Wish new look s'avère être, un pur produit de son époque entertainment. Oui, la trame générale est absolument identique. Oui, il y a de la vengeance pas bien, des armes pas belles qui tuent des vilains et des criminels. On est donc en terrain connu, que ceux qui dégueulent le genre par les trous de nez seraient bien avisés de ne pas fréquenter.


Sauf que Un Justicier dans la Ville s'envisageait comme une odyssée désabusée dans une violence sans concessions, bien qu'éparse, avec un Charles Bronson solitaire et au bout du compte, impuissant. Rien de tout cela aujourd'hui. Si la trame est la même, le discours, ou plutôt son absence de, est bien différent. Alors qu'Eli Roth a beau singer quelques plans iconiques de sa figure de proue, si l'action est plutôt généreuse, on se dit que, si le spectacle est bien là et que l'on s'ennuie pas, quelque chose est en train cependant de changer la nature de l'oeuvre.


Déjà, l'ouverture braconne beaucoup plus du côté d'Un Justicier dans la Ville 2, avec sa radio qui crache ses statistiques sur la hausse de la criminalité comme un M16 les balles. Tandis que l'agression primitive, elle, sera carrément filmée... En hors champ. Rien de frontal, rien de choquant, au point de se dire que l'escroquerie n'est pas loin et que l'ordre moral triomphe niveau (non) représentation de la violence (physique et sexuelle) au cinéma dès lors qu'elle frappe la cellule familiale dans son intimité.


La descente aux enfers de Paul Kersey, elle, prendra tout d'abord des allures démocrates qui frôlent en certaines occasions le hors-sujet : si l'architecte triomphant laisse la place à un gentil médecin urgentiste témoin muet de la folie de son temps et du mal qui gangrène les quartiers chauds, il exorcise par exemple sa peine chez un psy avant de vraiment passer à l'acte ou est présenté comme un placide au passé traumatisant. Comme si on avait un peu honte de mettre en scène un vigilante...


Ses interactions avec son entourage s'étoffent aussi : un frère qui finira par le couvrir et une fille qui reviendra dans la dernière ligne droite du récit, alors que le grand Charles, débarrassé de tout être cher ou d'affect, s'engageait lui dans une croisade aux accents suicidaires. Comme si on avait peur d'un film aride, pessimiste et dégraissé jusqu'à l'os.


De tels modifications et ajouts rendent ce nouveau Death Wish parfois schizo, alors même qu'il reprend, en les actualisant, certains thèmes de son modèle, jetant un oeil tant sur l'influence médiatique et la représentation du redresseur de torts que sur le fossé entre les classes économiques américaines.


Mais en adoucissant son regard en posant de manière balourde la question des minorités raciales ou du contrôle de la circulation des armes aux USA, comme pour s'excuser de la série B proposée et s'acheter bonne conscience, Roth se détourne quelque peu de son sujet principal et de son intime, de la colère de son personnage, peu aidé par un Bruce Willis peu concerné qui ne rivalise à aucun moment avec le charisme affiché par Charles Bronson.


D'autant plus que Roth, niveau violence dans la riposte face aux criminels, se lâche et mange à tous les râteliers. Jusqu'à dériver, le temps d'un interrogatoire musclé, vers un torture porn à la Saw, privant Kersey de la spontanéité de sa colère, de l'infinie douleur due à la perte de ceux qu'il aime.


Alors même que ces défauts et ces maladresses devraient plomber le film, le masqué en est ressorti avec un sentiment étrange. Car le spectacle était là, parce que le plaisir de la série B était au rendez-vous malgré tout. Est-ce seulement dû à l'aspect régressif de l'entreprise qui parle au cerveau reptilien ? Parce que Death Wish se montre aussi immature que maladroit ? Faussement concerné mais bien énervé et parfois hargneux ? Parce ce que Bruce Willis ?


Peut être un peu de tout cela à la fois, mais le masqué n'aura pas le temps de se poser la question, car dans une heure, pour lui, ce sera la deuxième partie de son combo en salles : L'Île aux Chiens, enfin. Merci Laurent...


Et à cette seule perspective, Behind, s'il a apprécié, sans pour autant adorer ce Death Wish un peu bizarre, il va pas tarder à l'oublier...


Behind_the_Mask, under the hood.

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