Decasia
7.4
Decasia

Film de Bill Morrison (2002)

Decasia, poème malade duquel se dégagent les prodromes de la mort du cinéma argentique, est une oeuvre profondément grisante et authentique. Hommage funèbre à la pellicule, ce film hors-norme de Bill Morrison co-réalisé par le symphoniste Michael Gordon est un concert d'images fulminantes, délitées, tuméfiées, pratiquement moribondes.


Tourné en 2002 Decasia montre un temps "qui a passé", témoignage nébuleux d'un siècle révolu composé d'innombrables photogrammes tous plus triturés les uns que les autres. Rien de moins qu'un film dont le sujet principal serait le support cinématographique Decasia déforme, désagrège, brûle, voile, rature et défile en permanence avec un soin archaïque accordé aux plans. Moins exigeant qu'accessible ( du moins pour ceux qui accepte l'hypnose et la méditation ) l'oeuvre est un reliquat indispensable à la bonne compréhension des prémices du Septième Art : les images des premières minutes nous plongent du reste directement dans l'univers de la projection, des chronographes et des laboratoires... jusqu'à la dégradation hétérogène de la pellicule !


On pense beaucoup à Stan Brakhage pour le travail du support, au montage expérimental d'un film tel que L'Homme à la Caméra ou à l'Oeuvre de S.M. Eisenstein ou encore au superbe The Hart of London de Jack Chambers et ses surimpressions révolutionnaires ; les films de la trilogie de Godfrey Reggio sont également convoqués à notre esprit pour l'aspect méditatif, quasiment prophétique de l'atmosphère dégagée ( la musique envahissante de Gordon n'est pas sans rappeler la partition de Koyaanisqatsi de Philip Glass ). Le film est toutefois suffisamment différent des références citées pour susciter un regard inédit sur la notion de photogramme, et sur le cinéma en règle générale.


C'est visuellement somptueux, éblouissant et inquiétant. Decasia, du haut de ses 70 minutes, n'ennuie jamais car son pouvoir de fascination perdure une fois le visionnage achevé. Un petit chef d'oeuvre avant-gardiste à voir absolument !

stebbins
10
Écrit par

Créée

le 13 sept. 2018

Critique lue 207 fois

1 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 207 fois

1

D'autres avis sur Decasia

Decasia
Moizi
8

Pellicules !

Decasia c'est le genre de film qui traîne chez moi, dont je ne sais rien et que je "lance" comme ça, sans envie particulière, ne demandant qu'à être séduit. Parce que produire de belles images comme...

le 10 juin 2014

3 j'aime

Decasia
stebbins
10

Les pellicules élémentaires

Decasia, poème malade duquel se dégagent les prodromes de la mort du cinéma argentique, est une oeuvre profondément grisante et authentique. Hommage funèbre à la pellicule, ce film hors-norme de Bill...

le 13 sept. 2018

1 j'aime

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

45 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

35 j'aime

6