Déjà s'envole la fleur maigre est le film culte de Paul Meyer, injustement oublié et qui semble refaire surface aujourd'hui, grâce notamment à la Cinematek. C'est également l'oeuvre qui plongera Meyer dans d'énormes soucis financiers, condamné à payer à l'état belge de nombreux montants. La cause ? Le film devait en réalité être une oeuvre de propagande sur le bien-fondé de l'immigration commandée par le pouvoir de l'époque. Le résultat final en est bien loin.
Pourtant, l'attaque face à l'état belge et au pouvoir en place se veut plutôt discrète. Meyer s'attache en réalité beaucoup plus à l'humain. A la fin des années 50, les mines ferment leurs portes peut à petit en Belgique. Le travail se fait de plus en en plus rare mais cela n'empêche pas l'immigration italienne de continuer à venir s'installer en Belgique, dans l'espoir de jours meilleurs.
La réalité est toute autre. Les Italiens arrivent et sont parqués, pour certains, dans d'anciens baraquements de la Seconde Guerre mondiale. La misère et le chômage sont le pain quotidien de ces personnes. Le contexte est donc décrit et Meyer s'évertue à montrer cette vie de tous les jours. Pourtant, le cinéaste belge ne tombe jamais dans le misérabilisme ou la propagande à deux balles. Car si les conditions sont rudes, Meyer aime également montrer les plaisirs quotidiens de la vie des mineurs (les fêtes de village, les enfants descendants les terrils sur des "luges" de fortune, etc.).
Mais forcément la réalité de cette vie quotidienne n'est pas éludée. Immigrés ne parlant pas français, enfants mangeants des bonbons inexistants distribués par Domenico (superbe séquence par ailleurs), affiches sur les murs appelant à avoir du travail et non plus de récession ou de chômage.
Le film est construit à la manière d'un docu-fiction. Les acteurs sont évidemment des amateurs, immigrés et autochtones. D'ailleurs Meyer prévient d'emblée qu'il remercie l'ensemble des personnes qui ont vu leur histoire personnelle modifiée pour servir une histoire globale. L'oeuvre est particulièrement touchante par l'utilisation de ces amateurs en partie.
Meyer possède également un grand sens du cadrage et de la mise en scène, renvoyant par là, par exemple, les frères Dardenne, jalon du cinéma social belge, à leurs chères études. Le noir et blanc est superbe.
Le film se veut d'une humanité profonde mais également rempli d'espoir comme peut si bien le dire Domenico (Borinage, charbonnage, chômage et... speranza). A noter que le film avait été remarquablement accueilli par certains cinéastes de l'époque et notamment Visconti, Antonioni, Rossellini ou encore De Sica. Rien que cela.