La tragédie remonte à la plus haute antiquité et son rôle cathartique ne s’est jamais démenti depuis…Même si la télé réalité semble lui voir damé le pion depuis une quinzaine d’année. L’hypertrophie mammaire a en effet des vertus que l’hubris transgressif n’a pas. Et je ne parle pas que de mensurations, le commun des mortels préférant aujourd’hui tétonner dans le concret que tâtonner dans l’abstrait. De seins il n’en sera que très légèrement question dans Deliver us from evil, en revanche ce petit film danois présente bien tous les attributs d’une tragédie la plus classique qui soit : une narratrice omnisciente, des personnages emblématiques, des familles déchirées, des enchaînements inéluctables et une fin violente. Il n’y a pas de hasard, juste une inexorable fatalité qui va faire exploser un équilibre qu’on savait de toute façon précaire (un frère « qui a réussi » est de retour avec sa famille dans le coin paumé qui l’a vu naître…Toujours peuplé de son frère et de ses anciens acolytes désormais confits dans la bière, la poisse, la pisse).
Deliver us from evil est une impitoyable réussite qui fait immédiatement penser à Shakespeare et Peckinpah, le premier pour Hamlet (grâce à qui on sait qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark), le second pour Les chiens de pailles (grâce auquel on sait désormais que la violence résout la plupart des problèmes). Il y a d’ailleurs des pans entiers de scénar, voir des répliques, ouvertement repris de ce dernier film. Notamment l’assaut de la maison dans laquelle se sont retranchés le frère civilisé et l’idiot du village. Toutefois il ne s’agit là que de références et Ole Bornedal, le réalisateur à qui on doit Le veilleur de nuit ou Hijacking plus récemment, magnifie le propos un peu réactionnaire grâce à une mise en scène exceptionnelle de maîtrise, d’intelligence et de sobriété. Des plans somptueux, un noir et blanc magnifique, une tension permanente depuis la phase d’exposition où tous les personnages nous sont présentés de façon très didactique jusqu’à une dernière partie intense et viscérale. Du cinéma qui vous prend aux tripes et vous laisse sonné.
Pourquoi regarder : parce qu’il y a mieux que bien…Il y a marquant.
Pourquoi ne pas regarder : parce que vous trouvez qu’un film danois sans Mads Mikkelsen est une escroquerie.