Les années 1970 voient le début d’une nouvelle ère dans le cinéma, marquant une transition entre l’âge d’or d’Hollywood et ses grandes stars comme Kirk Douglas et Charlton Heston, et l’âge des blockbusters, qui va débuter avec Les Dents de la Mer et Star Wars. Les années 1970, c’est aussi une décennie pourvoyeuse de films à petit budget depuis devenus cultes, comme Duel, Mad Max, ou celui dont je vais vous parler aujourd’hui, Délivrance.


Délivrance fait partie de ces films auxquels il faut peu pour fonctionner à merveille. Celui-ci démarre d’une manière assez classique, en nous présentant une bande de quatre amis qui décident de descendre une rivière dans un lieu assez reculé, pour ne pas dire totalement perdu. Ils y rencontrent la population, d’emblée assez hostile à ces citadins prétentieux. Ces premières scènes débouchent sur un mythique duo/duel banjo/guitare entre l’un des protagonistes et un enfant, un passage plein de sens qui est resté dans les mémoires et qui lance définitivement l’intrigue.


Assimilable à la catégorie des survival, Délivrance est avant tout un film plein de symbolique qui joue sur plusieurs terrains à la fois. John Boorman, qui adapte le roman éponyme écrit en 1970 par James Dickey, aussi scénariste du film, propose une virée en pleine nature qui ne laissera de marbre que ceux qui auront eu le malheur de s’endormir devant le film, alors restez bien sur vos gardes.


La nature est ici à la fois un exutoire, et le lieu de tous les dangers. L’intention des quatre comparses est ici de rompre avec leur quotidien et s’octroyer quelques jours de détente dans un lieu bientôt condamné à être recouvert par les eaux suite à la construction d’un barrage. Au lieu de virer au drame écologique plein de morale et d’inspiration hippie, Délivrance nous offre un tableau tout à fait différent, voire déconcertant. La nature, d’habitude considérée comme étant pleine de beauté et de majesté, devient ici menaçante et mystérieuse. Au fil de l’intrigue, le spectateur est plongé dans un malaise allant crescendo, à l’instar des protagonistes qui découvrent malgré eux que la situation va tourner au vinaigre.


Dans cette terre primitive, seuls les instincts primaires meuvent les hommes. Exit la société, ses manières, sa routine et son système, ici les hommes sont livrés à eux-même. D’ailleurs, Boorman plonge le spectateur dans cette ambiance si particulière en choisissant de nous faire suivre un récit quasiment exempt de tout accompagnement musical, les seules mélodies que vous entendrez étant le perpétuel ruissellement de la rivière, le chant des oiseaux, et le bruit du vent dans les arbres. Une mélodie habituellement si douce, qui a ici vite fait de devenir oppressante par les sentiments de solitude et d’isolement qu’elle suscite.


Là où l' « homme est un loup pour l’homme » , il n’y a ni héros ni méchant. Les concepts de barbarie, de sauvagerie, de folie et de courage sont supplantés par cette lutte pour la survie dans laquelle chacun des personnages est embarqué. Ceux qui dédaignaient les « sauvages » sont relégués au même rang que ces derniers dans cet âpre combat, ce torrent de violence dont on ignore même si on en verra la fin.


Ténébreux, oppressant et dérangeant, Délivrance est un film qui envoie différents messages avec une efficacité assez rare. Comme une critique de la société et une métaphore de l’évolution de l’espèce humaine, il nous invite à descendre la longue rivière des Enfers, partant d’un monde nous connaissons, pour s’enfoncer dans le mystère, le danger et la peur. Au final, la délivrance dont il est sujet dans le titre ne semble être qu’une nouvelle illusion, mettant l’homme face à sa propre condition, celle qu’il s’évertuait à renier, et qui s’est dévoilée au grand jour lors de cette aventure marquante à bien des égards.


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le 25 juil. 2015

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JKDZ29

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