Voilà un film à l'esthétisme flamboyant, aux plans très précis et travaillés, ressemblant parfois à des peintures. Pour cela, le cinéaste hongrois Mundruczó (je vais éviter de l'écrire souvent son nom) sait vraiment y faire avec une caméra. On pouvait craindre un film assez terne, triste et mis en scène à la méthode des frères Dardenne mais il n'en est rien. Comme quoi on est loin de la grisaille du cinéma d'auteur belge, français ou occidental en général. Les pays comme la Hongrie doivent certainement subir une plus forte influence du cinéma russe, nettement plus esthétique.
Certains plans sont également assez inventifs en plus d'être travaillés. Il y en a un où nous sommes derrière le personnage principal. La caméra effectue alors un mouvement de panoramique de droite à gauche, de 180°, sans que la caméra ne bouge autrement et nous nous retrouvons alors simplement en face du personnage, qui a simplement du bouger pendant le mouvement de rotation. L'idée est assez sympa.
Sur le fond, l'histoire fait un peu penser à Délivrance de John Boorman. Un jeune homme, civilisé, retourne en pleine campagne où ses habitants sont loin d'être présentés comme des Einstein, vivant de manière assez rétrogrades et possédant leurs propres règles comme leurs façons de voir ou de vivre certaines choses. Quand le frère et la soeur décident d'habiter ensemble, ce n'est évidemment pas vu d'un bon oeil. On peut regretter que les villageois soient vraiment perçus comme des monstres cherchant à tout prix de détruire le bonheur que ces deux personnes tentent de créer et qui se crée également à travers leurs relations.
Il existe également une séquence de viol (comme dans le film de Boorman), qui n'est pas vraiment voyeuriste mais qui me parait un peu trop longue à mes yeux. Certaines séquences auraient donc pu être filmées autrement mais je pense que ça révèle surtout un manque de maturité de la part du cinéaste, qui n'est âgé que de 40 ans et dont Delta est le quatrième film.
Un autre aspect assez intéressant est la façon dont le réalisateur (également scénariste) détruit les codes et les liens du sang. Les deux héros sont frère et soeur mais n'ont jamais grandi ensemble et le jeune homme apprend en fait l'existence de sa soeur que lors de son retour. Il propose alors un point de vue assez intéressant par rapport à l'amour qui lie les deux êtres.
J'aime la façon aussi dont l'oeuvre a été filmée. C'est très lent, esthétique et c'est quelque chose que j'adore à titre personnel. Delta s'apparente à un bon film mais le cinéaste a encore de la maturité à prendre avant de pouvoir nous sortir une oeuvre plus forte.