La vie n'est pas un long fleuve tranquille...
Visuellement superbe, musicalement agréable, intelligemment mis en scène, Delta a bien des qualités à faire valoir. Soutenu par le génie du cinéma hongrois en personne, Béla Tarr, Kornél Mundruczó arrive à instaurer un climat et une atmosphère à la fois calmes et oppressants par l’intermédiaire d’une image travaillée, belle et contemplative avec des plans longs captés par sa caméra qui flotte sur les eaux claires du Danube. Une belle relation naît entre les deux personnages principaux de manière douce mais incestueuse aussi dans un monde qui semble comme reculé, loin de la civilisation occidentale et de sa société consommatrice. Ici, tout est ramené à un état sauvage, brutal, jusque dans les relations presque animales quand on repense à cette fin tragique filmée sans complaisance par le cinéaste hongrois. Pourtant, entre pureté et violence, l’œuvre manque d’un souffle, d’une force qui le maintiendrait comme un roc poétique, profond et funèbre. La mise en scène, lente, se révèle parfois répétitive, certains plans ne sont pas complètement utiles. Mundruczó semble se complaire dans son exercice de paysagiste. Son cadre naturel est beau, certes, il aurait tort de s’en priver, mais au-delà du choc esthétique et des décors splendides, son récit, simple, bat parfois de l’aile. D’une structure trop platement linéaire, le réalisateur n’ose finalement pas grand-chose. Oui, c’est beau et dépaysant, l’image, les cadres, la musique, tout ! Mais c’est aussi très labellisé « cinéma d’auteur », très maniéré pour finalement ne pas nous proposer un fond plus consistant. Je trouve ça dommage, on ne s’ennuie pas du tout, mais ça manque d’un peu d’émotions. Il reste le final, cruel, qui vient nous apporter quelques sensations qui témoigne là avec pessimisme de la violence humaine. C’est surprenant et je ne pense pas que c’était voulu mais la fin du film m’a fait penser à Cannibal Holocaust, autre morceau de cinéma qui traite de la violence naturelle de l’homme. Par ses paysages, sa musique et surtout par sa tortue, vivante cette fois, des images du film de Ruggero Deodato me sont revenus en mémoire. Violence animale et violence humaine, les deux se confondent. Un avis un peu réservé donc sur ce Delta qui, comme d’autres films avant lui, semblait fait pour me plaire mais qui, pour une raison ou une autre, m’échappe finalement. Il y a en tout cas de bien belles choses, c’est un cinéaste sans doute prometteur mais il manque ce supplément, cette énergie qui le rendrait excellent.