And when the lights went down, I fell in love... To eternity.
Paris, Texas… Comment parler de ce film ? Comment lui associer des mots capables de lui rendre ce qu’il a pu m’apporter ? Difficile. Paris, Texas est un miracle, un miracle du cinéma. Je n’ai pas tellement de choses à raconter sur lui, il n’y a que des éloges à faire. Cannes ne s’est pas trompé en lui octroyant la Palme d’Or en 1984. Je l’ai vu, il y a quelques temps maintenant, je dirais 1 an et demi. Je ne m’en souviens pas forcément comme si c’était hier mais je sais à quel point il est important aujourd’hui. Alors, allons-y. 4 ans après sa dernière apparition, Travis, perdu dans l’immensité désertique, sort de l’oubli, retrouve quelques racines. Ses errances, thème principal du cinéma de Wim Wenders pendant les années 1970-1980, sont sublimées par la magnifique musique de Ry Cooder, la photographie, des paysages d’une beauté immense et la carcasse statique de Travis, enfermé dans son mutisme. Égaré dans cette Amérique intemporelle, dans ce Texas vide et désertique, Harry Dean Stanton signe le rôle de sa vie avec Paris, Texas qui était alors son premier rôle principal dans un film. Tout le film est un concentré d’émotions, de recherche de soi, de l’autre et indéniablement un grand film d’amour. Un road movie d’une infinie délicatesse. Une hypnose tellurique de 2h20 durant laquelle il n’y a rien à jeter. Tout en promenant sa caméra le long de ces routes désertées que le temps efface et recouvre progressivement, Wim Wenders caresse de la main ces grandes lignes de poésie, celles qui laissent les secondes suspendues et le cœur transi, bousculé par l’envie de vivre, de revivre. Et paradoxalement, c’est si dur d’y vivre, si dur d‘y rester. Le rythme lent du film permet encore plus de s’introduire dans le monde de Travis dont la réinsertion, elle aussi, est lente. On se laisse entraîner avec grâce et bonheur le long de sa route, on marche avec lui à la recherche du temps perdu, l’âme vagabonde et les sens en éveil. Sa relation avec Hunter est toute en finesse et en douceur. Ils réapprennent progressivement à se connaître, se faire confiance. Mais Travis est encore loin d’avoir retrouvé une vie normale, d’avoir retrouvé ce qu’il a perdu… Elle. Son Amour. Figé et capturé dans cette séquence en Super 8. Sublime souvenir de cinéma, incontestablement l’un de ceux qui restent au fond des yeux pour très longtemps. Sublime également, Jane alias Nastassja Kinski. Inoubliable et magnifique dans son pull rouge. Toute cette séquence du peep-show, fragile et bouleversante qui s’inscrit dans le film avec pudeur, qui s‘allonge dans le temps avec poésie. Chaque réplique est un monologue, un poème incandescent. Séparés par un mur, il n’ont que les mots pour se toucher. Et jamais, on ne verse dans l’excès, le larmoyant, les facilités. Elles n’ont pas leur place dans le film de Wenders. Le cinéaste en ferait même oublier leur existence. Avec Paris, Texas, tout apparaît si simple. De cette inaltérable simplicité surgit l’émotion. Simplement de la beauté partout et pour tout. Pendant ce temps, la quête de Travis ne s’arrête pas. Elle se poursuit encore jusqu’à la toute fin du film. Superbes retrouvailles. « And when the sun went down, he ran again… » Le constat est limpide, Paris, Texas, reste pour moi, sinon mon film préféré (comme c‘est le cas pour Kurt Cobain et Elliott Smith), le plus beau film du monde. Et sans doute celui qui restera avec le temps. Un sommet du Cinéma. Plus rien n’a atteint le niveau de Paris, Texas depuis ce soir-là, pour moi. Et probablement qu’aucun film ne le rejoindra jamais. Le chef-d’œuvre est là. Cette notation qui prend réellement tout son sens avec ce film. Et pourtant je n’ai pas le « chef-d’œuvre » facile. A place for dreams, a place for heartbreak, a place to pick up the pieces disait l’affiche. C’est tellement vrai. Une œuvre d’art que je n’ai jamais revu et que je ne suis pas certain d’avoir envie de revoir juste pour préserver intact ce souvenir immense. L’idéal serait de l’oublier complètement juste pour pouvoir le découvrir à nouveau et être émerveillé comme la première fois. Merci Monsieur Wenders. En attendant, il me reste d’autres supposés chefs-d’œuvre du réalisateur des années 1970 à découvrir. J’en bave déjà.